Bluff ou chantage ?
Sur la forme, la direction a-t-elle eu recours à du chantage à l'emploi pour faire plier les syndicats? Pas explicitement, mais l'effet a été le même. «La direction ne parlait pas de licencier», explique-t-on chez Sud. «C'est pas facile, il y a la pression de la direction et des employés. Et si demain, on se retrouve dehors avec une baraque à payer? C'est ça la crainte. Quand on voit ce qui se passe à la télé.»
La crainte, c'est peut-être de voir se reproduire le scénario qu'ont vécu les salariés Valeo de Nogent-Le Rotrou dans la région Centre, l'année dernière. En septembre 2011, une partie des salariés a accepté de travailler le samedi, alors que leur usine était menacée de fermeture à moyen terme. La direction leur avait promis de reconvertir la production vers un marché porteur, les capteurs à ultrasons.
Aujourd'hui une seule des nouvelles lignes est installée sur les deux promises, selon l'Écho républicain. Et les salariés ont connu des périodes de chômage partiel en cette fin d'année. Pour Ludovic Bruvier de la CGT Valeo-Amiens, cette usine est aujourd'hui «à deux doigts de fermer ses portes».
Pour lui, l'accord signé en décembre n'apporte aucune garantie pour le site d'Amiens : «Rien ne nous dit que le sous-traitant, qui nous cède ce marché, n'enlèvera pas les machines du jour au lendemain. On aurait accepté s'il y avait eu des garanties de pérennisation de l'emploi à long terme, avec des données sur les volumes, les chiffres d'affaires.»
«La seule personne qui pourra nous éclairer, c'est l'expert», confirme implicitement Anthony Probin. Pendant les négociations, le Comité d'entreprise de Valeo-Amiens a fait appel à un expert comptable, qui devrait rendre ses conclusions en juin, selon les syndicats. «On veut savoir s'ils ont vraiment l'intention de mettre du boulot à Amiens».
L'autre question qui taraude les syndicalistes, c'est l'hypothèse d'un coup de bluff. Et si la direction de la multinationale Valeo avait décidé depuis longtemps d'attribuer l'investissement à Amiens, avant même de négocier des efforts avec les salariés? «Peut-être que l'embrayage humide était déjà positionné sur Amiens», confirme Anthony Probin de Sud. «Nous n'avons pas de billes là dessus, nous n'avons que les informations de la direction.»
«De toutes façons, si la direction ne nous donne pas les informations que l'on veut, on va les assigner en justice», assure Ludovic Bruvier de la CGT. «On va réclamer des documents comptables pour vérifier que Bursa est vraiment plus compétitif que nous.»