Juste une soirée de novembre à Amiens. Les températures nocturnes ne sont pas encore négatives, mais les nuits sont déjà rudes. Le passage au fameux «plan hivernal», c'est pour beaucoup de SDF l'occasion de retrouver un toit, la nuit, après quelques mois plus difficiles où les lits en structure d'hébergement étaient plus rares.
Ici, à Amiens, on connaît bien le problème. En septembre, la pénurie de lits était telle que les travailleurs sociaux de l'Udaus (Union départementale d'accueil et d'urgence sociale), eux qui gèrent le Samu social, le 115, l'hébergement d'urgence... s'étaient mis en grève, à contre-cœur, pendant 4 jours.
À la fin du mois d'octobre, près de 30 personnes restaient quotidiennement à la rue, malgré leurs appels au numéro 115. Les places étaient encore chères. Le premier novembre, 60 lits ont été débloqués, avec les personnels encadrants nécessaires pour les gérer.
Le square Friant c'est, habituellement, une douzaine de lits réservés aux "grands marginaux". En hiver, ces locaux vétustes logent 12 à 18 personnes supplémentaires.
À cause de ce statut de centre réservé aux grands marginaux, le foyer est le dernier dont les lits sont distribués par les régulateurs du Samu social, à tous types de population. Femmes, hommes, migrants, précaires, tous s'y croisent. C'est le «foyer de la dernière chance» selon les éducateurs qui y travaillent. S'il n'y a plus de place ici, alors c'est qu'il n'y a plus de place nulle part.
Il est plein tous les soirs. Le Télescope a croisé le chemin de quelques-uns des habitants du foyer.
D'abord, trois «permanents» de la structure, qui peuvent y dormir presque toute l'année. Ceux-là ont un statut un peu particulier, ils n'ont besoin d'appeler le 115 que pour signaler leur intention de dormir au foyer Friant. Certains ont été renvoyés des autres foyers d'hébergement à cause de leur conduite ou de la consommation d'alcool ou de stupéfiants. D'autres auraient pu bénéficier de logements individuels, mais cette vie collective leur convient mieux.
Ensuite une étudiante arménienne dont la demande d'asile vient d'être refusée. En France depuis plus d'un an, mariée et enceinte de quelques mois, elle et son mari devront trouver une solution pérenne dans cette illégalité, s'ils veulent rester en France.
Enfin un Congolais, arrivé en France au le mois de juin, demandeur d'asile qui n'a toujours pas pu bénéficier d'un hébergement de long terme. Par cinq fois il a dû dormir à la gare, faute de trouver une place dans un centre d'hébergement d'urgence.
[vimeo 54489727 Friant, une soirée au "foyer de la dernière chance"]
Les journalistes se sont rendus au foyer Friant les 20 et 21 novembre. Les photographies sont de Noëlle Guillon et le rédactionnel est de Rémi Sanchez.
Pour des raisons de discretion, les éducateurs ont souhaité que ni leurs visages, ni leurs noms n'apparaissent.
Les hébergés ont été libres de fournir, ou non, leur témoignage et leur nom.