Lors de son audition du mardi 19 novembre devant la Commission parlementaire Goodyear, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a largement expliqué qu'il était désormais au centre des négociations. «Titan a demandé au ministère de réussir ce que lui n'avait pas réussi, c'est-à-dire de trouver un accord entre Goodyear et la CGT pour une reprise dans la continuité de l'exploitation», lançait-t-il, plein d'assurance, aux députés de la Somme, Pascale Boistard (PS) et Alain Gest (UMP), respectivement rapporteure et président de la Commission. «Nous avons la confiance des trois parties, nous souhaitons la conserver.»
Depuis le mois d'août, plus précisément depuis un rendez-vous dans son cabinet avec le PDG de Titan, Maurice Taylor, et ses avocats, Arnaud Montebourg est chargé de faire aboutir la nouvelle offre de Titan. 333 employés repris, quatre ans d'engagement à maintenir l'emploi. «Je lui ai dit: ça a le mérite d'exister. Nous vous remercions de cette offre qui montre que la France par son charme arrive à désarmer ses pires critiques, ironisait-t-il. Je lui ai dit qu'il serait utile d'avoir une parole de regret à travers les mots qui avaient été prononcés, je crois qu'il l'a fait dans un interview au Monde»
Par la force des choses, Arnaud Montebourg est presque devenu le porte-parole du «Grizzly», dont la précédente offre de reprise avait été refusée en septembre 2012 par la CGT et dont le sens de la diplomatie n'est pas la principale qualité. Devant les parlementaires, il s'est presque fait l'exégète de l'Américain: «Titan dit “si on n'y arrive pas, on se retrouvera avec tout le monde à la rue et je reprendrai les salariés pour reprendre l'exploitation, mais je préfèrerais la formule où l'on a un accord”».
Deux semaines après la dernière réunion CCE, dont la validité est encore contestée par la CGT mais dont la tenue signifiait en pratique la fin de la procédure d'information et de consultation et la mise en place du PSE, la tension monte sans que l'on sache qu'elle sera l'issue. «La paix des braves», comme le souhaite le ministre, ou une véritable explosion.
Certes, convient le ministre du Redressement productif, la situation lui parait compliquée. «Goodyear a décidé, à partir de l'échec de l'automne dernier, de fermer l'usine, de passer en force, analyse Arnaud Montebourg. Goodyear Amérique a donné des instructions à Goodyear France pour qu'on entende plus parler de ce dossier.»
«Je ne suis pas sûr de réussir»
Pour le ministre, Goodyear est dans une position radicale. Il évoque, pour étayer son propos, un «incident» qui s'est produit lorsque l'Agence française pour les investissements internationaux (Afii) recherchait des repreneurs pour le site d'Amiens nord, cette année. «À un moment, un groupe très sérieux qui avait fait une offre, se plaignait de la manière dont Goodyear refusait des donner les informations, raconte le ministre. Goodyear donnait le sentiment que l'usine devait fermer et pas rouvrir, qu'il fallait punir». Avant de préciser, que les deux offres faites à Goodyear avaient été retirées à cause de «la violence du conflit».
Mais devant parlementaires, Arnaud Montebourg n'a pas voulu céder au fatalisme. «Je ne suis pas sûr de réussir, mais c'est mon rôle de tenter le tout pour le tout». Il a détaillé son objectif : aboutir à une solution où «Titan reprendrait l'outil industriel et réinvestirait, les salariés de l'activité tourisme qui ne seraient pas repris seraient licenciés dans des conditions autrement plus généreuses qu'un plan social, la CGT retirerait l'ensemble des recours.»
Le problème, pour celui qui a endossé le rôle de négociateur, c'est que les parties sont toutes frileuses. «Chacun nous demande de se mettre d'accord avec les autres parties avant d'accepter de signer. Il va falloir que tout le monde fasse un petit effort».
Mais pour le ministre socialiste, c'est aujourd'hui à Goodyear de faire un pas vers la CGT. «J'attends que Goodyear mette enfin de l'eau dans son vin, et j'attends que cette entreprise prenne conscience de la nécessité de sortir honorablement d'un conflit dans lequel elle a une responsabilité.»
Pour convaincre Goodyear, le ministre semble néanmoins manquer d'arguments. «Dès lors que le groupe a une responsabilité dans le conflit, il doit renoncer à son jusqu’au-boutisme. Pour lui, le coût d’une fermeture serait considérable. Le gouvernement lui en voudrait.» Il faisait d'ailleurs le constat suivant, quelques minutes auparavant: «Il arrive que la position des États soit plus faible que celle des entreprises, qui peuvent jouer sur les modèles sociaux, fiscaux et environnementaux.»
Du côté de la CGT Goodyear, Arnaud Montebourg demande qu'elle accepte de retirer un certain nombre de recours en justice, un préalable aux discussions, estime-t-il : «Goodyear a plus d'une dizaine de procédures en cours et considère que si elle doit reprendre la procédure là où elle l'a abandonnée au mois de septembre 2012, elle verra son édifice juridique s'effondrer, devra reprendre la procédure juridique à zéro, et reprendre un chemin juridique interminable.»
«Comme l'accord entre la CGT et Goodyear est la condition pour que Titan arrive, je crois qu'il va falloir que tout le monde fasse un petit effort», résume-t-il.
De l'autre côté des négociations, entre la CGT et Titan, Arnaud Montebourg semble confiant pour mettre d'accord ceux qui ne s'étaient pourtant pas mis d'accord en septembre dernier. «La CGT m'a déclaré sa bonne volonté pour trouver un terrain d'entente, je l'en remercie. J'ai entendu le PDG de Titan faire des excuses sur ses mots blessants», assure le ministre. «L'offre de Titan a la bienveillance de Goodyear, et semble-t-il de la CGT, si Titan fait un pas vers elle».
Après avoir perdu de nombreux recours en référé, la CGT assure qu'elle a encore des munitions juridiques, pour retarder la fermeture de l'usine. Mais l'issue finale est aujourd'hui dans les mains de Goodyear.