La place de la mairie, le chantier qu'il reste à mener pour la maire sortante.
Une ville que la droite ne va pas prendre. À Longueau, la cité cheminote de quelques 5500 habitants, ce sont trois listes «de gauche» qui se présentent au vote des électeurs, le 23 mars.
En effet, la liste de la communiste Colette Finet, adoubée «union de la gauche» par la fédération PS de la Somme, se trouvera face à deux listes étiquetées «divers gauche», menées par Chantal Boulet et Régis Richard, deux actuels élus du conseil municipal. Deux anciens du PS local.
Pour comprendre ces conflits, il faut revenir plusieurs années en arrière, alors que Gilles de Robien était ministre de la République. À ce moment, le maire communiste de Longueau Joël Brunet prend beaucoup de responsabilités au sein du conseil d'Amiens métropole. En effet, le président De Robien étant occupé à Paris, c'est son premier vice-président, le représentant de la seconde commune la plus peuplée de la métropole, qui prend la main sur beaucoup de dossiers.
Une prise de responsabilité qui change Joël Brunet. «Dans les deux dernières années de son mandat, il n'adressait plus la parole à personne à Longueau, explique Régis Richard, ça lui est monté à la tête.» Dans la foulée, Joël Brunet quitte le Parti communiste français (PCF), retire sa délégation à sa première adjointe Colette Finet et lui annonce qu'elle ne fera pas partie de sa liste aux élections de 2008.
Or, c'est bien Colette Finet qui représentera l'union des partis de gauche en 2008 à Longueau. Tous les socialistes qui décideront de se ranger derrière Brunet plutôt que Finet seront exclus. C'est ce qui arrivera notamment à Chantal Boulet.
Joël Brunet fait face à l'adversité
Au total à Longueau en 2008, il y aura cinq candidatures au premier tour. Régis Richard en fait partie. Il est même qualifié pour le second tour et arbitre la confrontation entre Colette Finet et Joël Brunet. Il aurait pu se désister, mais «Colette Finet m'a demandé de me maintenir au second tour pour battre Joël Brunet», explique Régis Richard.
Résultat: Joël Brunet est battu. Il recueille 38,8% des voix, contre 41,2% pour Colette Finet et 19,9% pour Régis Richard. Joël Brunet quitte alors le conseil municipal et Chantal Boulet, qui lui était restée fidèle, devient chef de l'opposition à Colette Finet. En 2009, Régis Richard rejoint le PS, dans une section commune Camon-Longueau. En 2010, il obtient que la section de Longueau soit indépendante. Il en devient le président et, en parallèle, mène placidement son mandat de conseiller municipal, sans opposition frontale à Colette Finet.
Au début de l'année 2014, Régis Richard ne cache pas son ambition de mener une liste socialiste à Longueau. La fédération PS de la Somme le contacte alors: c'est Colette Finet qui a été choisie pour mener la liste d'union de la gauche (PS, PCF, EELV, PRG), mais Régis Richard et ses colistiers socialistes pourraient obtenir 50% des postes d'adjoints et 50% des places à la Métropole s'il accepte de se ranger derrière la candidate sortante. Lors d'un vote, lui et ses colistiers refusent et décident de présenter leur liste. La sanction tombe logiquement: ils sont exclus du PS.
Cette année, les Longacoissiens auront donc le choix entre trois têtes de liste : Colette Finet, Chantal Boulet et Régis Richard. Trois listes qui se disent «de gauche». Mais les sujets de désaccord sont déjà nombreux entre la maire sortante les deux challengers.
Colette Finet, lors de la fête du rail de Longueau, en octobre 2013.
Ils veulent moins de logements sociaux
Pour Régis Richard, technicien audiovisuel à l'université, l'urbanisme est une priorité. «Non au béton, oui au gazon», résume-t-il. «Il y en a assez de la course aux 6000 habitants de Colette Finet. Partout on rase des maisons individuelles pour construire des logements collectifs.» Lui préconise de multiplier les espaces verts: «On imposera aux bailleurs sociaux un espace de jeu pour dix maisons construites». Il explique aussi que les habitants de Longueau craignent la construction des logements sociaux et la population qu'ils amèneraient.
Pour Chantal Boulet, le constat est le même. «Les gens réagissent beaucoup aux immeubles qu'on construit à droite à gauche. Nous avons peur que le logement social amène des populations qui ne paient pas d'impôts, et qui appauvrissent la commune. Pour nous, il faut de tout: à la fois du social et du privé», explique la candidate. Elle craint également que Longueau devienne une cité-dortoir, avec des cités vides pendant la journée. Elle résume l'idée de sa liste: «Il faut garder l'identité de Longueau».
Chantal Boulet et son colistier Jean-Louis Chardon.
Le logement social, un point noir dans le mandat de Colette Finet? Longueau, historique cité cheminote, recense un important patrimoine de bailleurs sociaux, dont ICF, le bailleur filiale de la SNCF qui continue à héberger une part d'employés des chemins de fer, en plus de s'être ouvert aux autres locataires.
La ville part donc avec un important patrimoine de logements sociaux (56%). Mais Colette Finet assume ses choix: «En mairie, on a plus de 200 demandes pour du logement. Pour beaucoup, ce sont des jeunes qui désirent revenir à Longueau, pour la qualité de vie, pour les services, les clubs de sport. J'explique toujours que les logements sociaux ce n'est pas pour accueillir des gens de Victorine-Autier ou d'Étouvie, comme on l'entend souvent.» La maire PCF estime par ailleurs que le locatif privé comme les «Longues rivières» construit sous Joël Brunet propose des tarifs trop élevés pour y retenir ses locataires.
Colette Finet, maire bâtisseur
La maire sortante assume tout son bilan. Mieux, elle se représente pour poursuivre sur sa lancée: «En 2008, lorsque je suis devenue maire, je n'envisageais pas faire plusieurs mandats, précise la candidate septuagénaire. Mais je me suis rendu compte que six ans, c'est très court pour réaliser tous les objectifs qu'on s'était fixés. On en a réalisé la plupart, sauf l'aménagement du centre-ville. Mais nous avons préféré donner la priorité à la rénovation de l'école André-Mille, où les élèves manquaient de place». Du coup, pas de rajeunissement pour la place de la mairie, qui devra attendre un prochain mandat. Même si l'équipe actuelle a déjà commencé à y réfléchir: un appel à des étudiants architectes a été fait pour proposer plusieurs esquisses.... que Colette Finet ne dévoilera pas avant les élections.
L'école André-Mille, en revanche, a fait l'objet un d'investissement très lourd: 2,3 millions d'euros pour la Ville de Longueau, que le conseil municipal a préféré financer par de l'emprunt. Ce financement cristallise aujourd'hui une part des récriminations des adversaires politiques de Colette Finet. «On aurait fait autrement, on aurait d'abord cherché des subventions», explique Chantal Boulet.
La maire sortante a d'autres projets. Dans l'ancienne école Anatole-France, terminer le pôle jeunesse avec un espace multimédia qui viendrait rejoindre le «relais assistantes maternelles» et les bureaux de l'animateur enfance-jeunesse. Un peu plus loin, une résidence adaptée aux personnes âgées autonomes devrait voir le jour à la place des anciens ateliers municipaux. Elle et son équipe projettent aussi la création d'un centre de santé pour accueillir des libéraux, comme un dentiste et un ophtalmologue, ainsi que des soins d'urgence pris en charge par des agents de santé publique.
La sécurité au centre des débats
Pour les deux challengers, avant toute autre chose, la sécurité est le problème principal de la ville. «On a eu une période de laxisme, estime Chantal Boulet. On a des gros problèmes de vols, huit maisons dans notre rue ont été cambriolées».
Et les solutions envisagées par les deux listes convergent: vidéosurveillance et «voisins vigilants». La même candidate propose: «Il faut que ce soit encadré. Je ne pense pas que l'on obtienne des résultats en augmentant les effectifs de la police municipale, mais il faut une meilleure communication entre habitants et police». Par ailleurs, Chantal Boulet sait que la ville a déjà de lourdes charges de fonctionnement à cause d'un personnel bien fourni.
Régis Richard, de son côté, se voit bien embaucher deux policiers de plus: à sept, les policiers pourraient former trois équipes et patrouiller plus intensément. Et sans véhicule, car c'est selon lui un obstacle à la communication avec la population. Quant à la vidéosurveillance, quelques caméras suffiraient, sans agents pour les surveiller. Mais leurs enregistrements seraient consultables par la police.
Régis Richard est favorable à la vidéosurveillance dans sa commune.
Enfin, un autre point commun pour les challengers: reprendre en main la salle de la Renaissance. Cette salle de spectacle de 700 places, située à côté de la mairie, a été condamnée par le vice-président d'Amiens métropole à la culture, Alain David. Toiture, électricité, chauffage, sièges, délabrée et trop coûteuse à rénover, c'est un sacrifice qu'a dû accepter, à regrets, Colette Finet. «Alain David et Gilles Demailly nous ont dit "hors de question". On s'est beaucoup battus pour cette salle, mais on ne pourra pas la sauvegarder car elle coûterait deux fois plus cher que du neuf. Par ailleurs, elle empêche toute extension de la mairie.» En échange, l'élue a obtenu la promesse d'obtenir des crédits de la Métropole pour la construction d'une salle culturelle.
Régis Richard, lui, se voit bien reprendre en main la salle de la Renaissance. «On la récupérera à la Métropole. Je pense qu'on en a pour 900000 euros de travaux. Avec des financements publics, privés et avec une souscription, on devrait y arriver», explique celui qui a une certaine expérience dans la production de spectacles.
Le problème de la salle de la Renaissance, c'est aussi celui de la représentativité des maires au conseil métropolitain et de la possibilité pour les élus périphériques de faire entendre leur volonté. Pourtant, dans les programmes, cette question est peu abordée. Tous les élus devront pourtant indirectement financer les transports en commun, les routes à caractère métropolitain, les équipements sportifs (comme la quatrième piscine) ou encore les équipements culturels... y compris la destruction éventuelle de la salle de la Renaissance.
J'avais, dans un premier temps, précisé que le parti de gauche s'associait à la candidature de Colette Finet. C'était une erreur de ma part, rectifiée le 24 mars suite à un communiqué du secrétaire départemental du parti de gauche.