La réforme des retraites a été adoptée hier après-midi en première lecture par l'Assemblée nationale à 270 voies contre 249.
Le projet de loi est passé de justesse grâce au vote d'une majorité des élus du Parti socialiste, 268 au total. Dix-sept députés de l'aile gauche du PS se sont tout de même abstenus.
À droite, les élus de l'UDI et l'UMP ont voté contre, quasiment à l'unanimité. Chez le groupe écologiste, les députés se sont presque tous abstenus. Enfin, les élus du groupe GDR, dont la majorité est issue du Front de gauche, ont voté contre.
Dans son contenu, rappelons que le changement principal apporté par la réforme «garantissant l'avenir et la justice du système des retraites» concerne la durée de cotisation du régime général. Le projet de loi entérine l'allongement de la durée de cotisation nécessaire pour toucher une retraite à taux plein (augmentation progressive jusqu'à 43 annuités à l'horizon 2035), mais ne touche pas à l'âge légal de départ à la retraite. En revanche, les cotisations de tous les régimes de retraites vont augmenter. La hausse serait de 0,03% en 2017.
S'ajoutent de nombreux changements dans le calcul des durées de cotisation. La réforme permettra, par exemple, aux salariés de faire valoir la pénibilité de leur travail sans justifier d'une incapacité (jusqu'à huit trimestres de cotisation en moins), aux femmes de faire valoir leurs congés maternité dans la durée de leur cotisation ou aux stagiaires de cotiser pour leurs retraites.
Le Télescope d'Amiens a demandé aux cinq députés de la Somme de s'expliquer sur leurs votes. Voici leurs réponses.
Pascale Boistard (PS): «Nous avons préservé le système par répartition»
«À priori je voterai pour, expliquait lundi la députée socialiste de la première circonscription. J'attends de lire le texte consolidé. Les annonces faites allaient dans le bon sens, nous avons préservé l'essentiel, le système par répartition, et intégré de nouvelles choses qui n'existaient pas avant.»
Pour Pascale Boistard, la réforme se justifie par «les données démographiques et du taux d'emploi dans le pays». Elle propose d'ailleurs de faire un point sur cette réforme dans quelques années, pour éventuellement revenir sur l'allongement de la durée de cotisation, si les données évoquées s'avéraient plus heureuses. «Pourquoi pas se donner rendez-vous tous les trois ans pour réévaluer la situation?». La députée assure qu'elle n'aurait pas voté pour la réforme, si celle-ci avait repoussé l'âge légal de départ à la retraite.
Enfin, Pascale Boistard insiste sur les points nouveaux apportés par la réforme, comme la reconnaissance de la spécificité de la carrière des femmes, «parce que, malheureusement, les mentalités n'ont pas évolué assez vite et que les carrières des femmes restent plus hachées que celles des hommes».
Jean-Claude Buisine (PS): «La très légère augmentation des cotisations ne me paraît pas exagérée»
«Je voterai sans ambiguïté, annonçait hier, le parlementaire de la troisième circonscription de la Somme, Jean-Claude Buisine. Il fallait bien trouver des financements pour préserver ce système. Car je ne veux pas d'un système basé sur les assurances privées.» Pour lui aussi, le point important de la réforme, c'est «l'âge légal de départ à la retraite» qui n'a pas changé.
Pour Jean-Claude Buisine, la réforme est «équilibrée». «La très légère augmentation des cotisations ne me paraît pas exagérée. Il faut tenter d'équilibrer le système le plus loin possible afin qu'un maximum de personnes puissent en bénéficier».
Alain Gest (UMP): «Il n'y a pas de réforme»
«Je vais voter contre le projet car il ne donne pas de solution durable, expliquait hier, Alain Gest. Pour le député UMP, le gouvernement aurait dû allonger l'âge légal de départ à la retraite. Il n'y a pas de réforme. On n'a pas eu le courage de s'en prendre à l'âge légal de départ à la retraite, tonne-t-il. Notre pays a la fâcheuse tendance de croire qu'il peut faire exception. Mais tous les autres pays ont repoussé l'âge légal de départ à la retraite. C'est la seule chose qui donne des résultats immédiats sur les comptes publics.»
Pour lui, l'augmentation du nombre de cotisations est un trompe-l’œil. «Les gens devront de toutes façons travailler plus tard pour avoir une retraite à taux plein. En plus, le candidat Hollande a menti en disant qu'il y allait avoir un retour de l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans».
Enfin, Alain Gest plaide pour la précédente réforme des retraites, mise en place en 2010 par le gouvernement de François Fillon. «Nous avions pris des mesures pour faire des économies, mais elles n'étaient pas suffisantes. Nous avions à cette époque prévu d'y revenir en 2013.»
Comme la socialiste Pascale Boistard, le député prévoit que le gouvernement devra à nouveau se pencher sur la question des retraites dans quelques années, mais pas pour abaisser la durée de cotisation. «Il faut que le gouvernement actuel ait aussi le courage de dire qu'il reviendra sur cette réforme.» L'UMP plaide pour un âge légal de la retraite à 65 ans.
Barbara Pompili (EELV): «Le problème majeur, c'est le financement»
«Nous nous abstenons, expliquait hier Barbara Pompili, co-présidente du groupe écologiste à l'Assemblée nationale. La réforme n'est pas complètement négative, notamment sur les dossiers de la pénibilité où il y a eu un vrai changement de philosophie et quelques avancées mineures comme la prise en compte des stages dans les années de cotisation.»
Le point de rupture affiché par la députée, c'est le mode de financement choisi par le gouvernement. «L'augmentation de la durée de cotisation, le report des indexations des retraites.»
Barbara Pompili aurait souhaité une réforme de plus grande ampleur du système de financement. «C'est une occasion manquée de remettre à plat un système qui a soixante ans, et que le gouvernement a seulement choisi d'améliorer».
Stéphane Demilly (UDI): «C'est une non-réforme»
«C'est une non-réforme, analyse Stéphane Demilly, député centriste de la cinquième circonscription, qui a voté contre le projet de loi. Pour lui, la réforme a oublié les régimes spéciaux : «Il n'y a pas de convergence durable entre les régimes»- et l'allongement de l'âge légal de départ à la retraite: «Il y a un manque de courage. On refuse le choix de la responsabilité et de la pédagogie. Nous proposions un recul à 65 ans et un régime unique en 2020».
Par ailleurs, le dossier de la pénibilité aurait été mal géré, selon lui. «Le problème, c'est que c'est une boîte de Pandore qui risque d'être ingérable.» Selon le député, le financement des retraites serait également trop concentré sur «les classes moyennes».