La droite amiénoise commence à abattre ses cartes dans la perspective de l'élection municipale. Quatre réunions publiques vont ponctuer sa fin d'année. La prochaine aura lieu mercredi, à 19h30 à l'espace Dewailly, sur le thème de la sécurité. Jusqu'à la mi-décembre, deux autres réunions seront organisées par l'équipe de Brigitte Fouré : l'une, le 9 décembre à la salle Valentin-Hauÿ, l'autre, le 13 décembre à la Maison pour tous du quartier Saint-Ladre.
Pour rappel, Brigitte Fouré est la candidate d'une liste de rassemblement (essentiellement UDI et UMP) intitulée «Rassemblés pour agir».
La première de ces quatre réunions est déjà passée. C'était le jeudi 7 novembre, dans l'amphithéâtre comble de l'espace Dewailly. Le rassemblement était destiné à présenter quelques axes de réflexion autour du développement économique pour Amiens. Une thématique large. Très large. Qui a vu se succéder à le tribune bon nombre d'orateurs. Et qui donne une vague idée du projet que Brigitte Fouré présentera au début de l'année 2014. En tout cas, de l'esprit du projet.
C'est tout d'abord François-Xavier Level, président de l'agence de coopération Europa InterCluster, qui a pris le micro pour constater «la passivité de l'équipe municipale actuelle» et «l'absence de liens entre les élus et les acteurs de la société civile».
Chargé de présenter la synthèse de travaux antécédents (nous en reparlerons un peu plus bas), François-Xavier Level a développé quelques axes de réflexion potentiels pour la candidate: développer «le goût d'entreprendre» chez les élèves et étudiants dès le collège, créer un guichet unique de la création d'entreprise, organiser chaque année un «festival des idées nouvelles», développer des pôles d'excellence (santé, énergie...) ou encore créer un comité de pilotage du Grand Amiens qui soit à la fois un «outil de lobbying» et qui soit susceptible «d'apporter aux élus des éclairages» sur la situation économique locale.
Réunion publique de Brigitte Fouré, le 7 novembre dernier.
Ensuite, c'est Stephan de Butler, directeur de la clinique Victor-Pauchet créée par son arrière-grand-père, qui a pris le micro. Qu'attend-il de la prochaine municipalité? «Qu'elle nous donne les moyens d'avoir confiance pour conquérir le monde.» Rien que ça. Poursuivant dans le domaine médical, un temps de parole fut ensuite donné à Michel Slama, professeur de médecine et membre de la direction de l'Université de Picardie Jules-Verne (UPJV).
Il a invité les universités à tourner le dos à la recherche fondamentale pour se concentrer sur le travail avec les industriels «qui nous font remonter leurs attentes». Désormais autonomes, les universités doivent «travailler avec les acteurs locaux», a-t-il expliqué. Mais, selon Michel Slama, pour gagner l'aisance financière nécessaire à ce travail local, l'UPJV devra réduire sa masse salariale: «Il faudra faire des choix douloureux pour les uns et pour les autres».
Le député Alain Gest (UMP) a ensuite pris la parole. Il s'est longuement attardé sur la situation de Goodyear. «L'inéluctable va se produire», a-t-il annoncé tout en craignant la réaction des ouvriers quand ils apprendront que «l'inéluctable» vient de se produire. Après avoir étrillé l'avocat de la CGT, «plus soucieux de son avenir personnel que du sort des ouvriers», Alain Gest a rappelé que la prochaine municipalité devra, quoi qu'il en soit, «s'occuper de ce gâchis social épouvantable.»
Après ce tour de parole à la tribune, le micro est passé de main en main dans la salle. Olivier Jardé (ex-candidat à la candidature, ex-député, président du Nouveau centre de la Somme) a insisté, comme souvent, sur la «nécessaire baisse de la fiscalité» ; de son côté Jean-Jacques Blangy, président du Medef de Picardie, a expliqué attendre de l'équipe de Brigitte Fouré, si elle est élue en mars prochain, qu'elle réduise les dépenses publiques et revienne sur l'augmentation du versement transport payé par les entreprises.
Ensuite, Rachid Sallali (candidat indépendant aux législatives de 2012, puis soutien de la socialiste Pascale Boistard, et désormais proche d'Olivier Jardé) a souhaité que les entreprises situées en zone franche «jouent le jeu» et emploient des travailleurs du quartier. Quant à Philippe Théveniaud (syndicaliste CFTC et responsable local du parti politique Debout la République), il a regretté que l'actuelle majorité municipale développe «une idéologie de lutte de classe, une idéologie du siècle dernier». D'autres encore ont pris la parole. Ajoutant des éléments supplémentaires. Pas étonnant: l'attractivité économique est un vaste sujet.
«Faciliter la tâche» des entrepreneurs
Un vaste sujet, beaucoup de débats. Mais pourtant, les marges de manœuvres d'une agglomération sont bien maigres dans ce domaine. Comme nous l'avions montré dans cet article, les compétences légales d'Amiens métropole se cantonnent à l'intervention foncière et immobilière. Et Brigitte Fouré le sait parfaitement. «En matière d'emploi, on n'a pratiquement pas de marges de manœuvre. Mais qu'est-ce qui fait qu'un entrepreneur va vouloir venir chez nous? C'est la confiance dans le territoire. Ce sont des éléments psychologiques.» Pour la candidate, une ville, une agglomération, doit créer «un climat général attentif aux entreprises».
Il faut d'abord «faciliter la tâche des chefs d'entreprises»: ce serait le rôle du «guichet unique», défini comme «une cellule d'accueil où l'entrepreneur pourrait obtenir toutes les informations nécessaires (terrains, aides...)». Brigitte Fouré veut également créer des «ambassadeurs de la ville», choisis parmi les chefs d'entreprise locaux, afin de «capter l'intérêt à l'extérieur», notamment dans les salons professionnels spécialisés en santé, nouvelles technologies et rénovation énergétique.
Par ailleurs, pour Brigitte Fouré, l'attractivité d'une ville passe par «des rues propres» mais également par une image modifiée: «Il ne faut plus afficher de panneaux disant que l'on est solidaires des salariés de Goodyear [comme ce fut le cas sur le mur extérieur de l'Hôtel de Ville, ndlr].» Pourquoi ne pas afficher son soutien aux salariés? «Par ce que quand un chef d'entreprise voit ça, il se dit que les Amiénois n'ont pas envie de voir d'autres entreprises venir.»
Le programme définitif de la liste «Rassemblés pour agir» sera dévoilé lors de la première quinzaine du mois de janvier. En attendant, les militants travaillent. Comment? Selon quelle organisation?
La structure militante mise en place autour de Brigitte Fouré comporte désormais trois niveaux assez hiérarchisés. Le premier, en bas, est composé de groupes formés à l'origine pour épauler l'un ou l'autre des candidats à la candidature à droite. Ainsi, un groupe de militant travaillait autour de Brigitte Fouré, un autre autour d'Alain Gest, un autre autour de Benoît Mercuzot, etc. Chacun de ces groupes a synthétisé ses travaux.
Par exemple, c'est Renaud Deschamps qui a rapporté les conclusion du groupe qui travaillait pour Brigitte Fouré sur la question du développement économique. Ce jeune assureur amiénois explique: «Dans cette commission, nous étions douze, nommés par Brigitte Fouré. Nous nous sommes réunis une fois par mois pendant 10 mois.» Chacun y apportait son expérience personnelle. «Je suis assureur à domicile, je vois une quinzaine de familles par semaine. Il ne faut pas généraliser, mais beaucoup de gens disent que la ville est devenue sale. Et aussi que les enfants s'en vont après leurs études. Bon, ce n'est pas nouveau mais ça ne s'arrange pas.»
Au dessus de ce premier niveau de groupes affiliés aux ex-candidats à la candidature, un second niveau hiérarchique s'est formé suite à la fusion des équipes derrière Brigitte Fouré. Ainsi, s'est créée une sorte de «comité de pilotage», composé de quatre à cinq personnes chargées de préparer plus précisément le programme qui sera présenté en janvier prochain. Globalement, chacune de ces personnes représente l'un(e) des chefs de la droite locale.
Olivier Jardé à l'écart?
Qui sont-ils? Il y a François-Xavier Level (de Europa InterCluster, représentant Benoît Mercuzot, l'actuel maire UMP de Dury); Jean-François Claisse (chef du service d'hématologie au CHU d'Amiens, représentant Pascal Fradcourt, le président départemental du Parti radical); Jean-Baptiste Rouvillain (jeune diplômé de l'Institut d'administration des entreprises d'Amiens, membre de l'UDI depuis deux ans, représentant Brigitte Fouré) et Jean-Marc Albert (agrégé d'Histoire, enseignant à l'Institut catholique de Paris, représentant Alain Gest). Cela fait donc quatre personnes.
Olivier Jardé serait également représenté dans ce comité de pilotage. Ce qui ferait une cinquième personne. Mais son influence reste faible. Il faut se souvenir qu'Olivier Jardé avait très mal pris l'alliance politique surprise entre Alain Gest (UMP) et Brigitte Fouré (UDI), annoncée au sortir du mois d'août dernier. Il n'a annoncé que tardivement son «soutien total» à Brigitte Fouré. Au final, «c'est un comité de pilotage à quatre», tranche même Jean-Marc Albert, le représentant d'Alain Gest. C'est lui qui sera d'ailleurs au micro lors de la prochaine réunion publique de Brigitte Fouré, mercredi soir à l'espace Dewailly. Il présentera au public les axes retenus par le «comité de pilotage» sur les questions de sécurité.
Même si, au sein du comité, il y a parfois des débats houleux -«Ce n'est pas Disneyland»-, Jean-Marc Albert se dit satisfait d'y avoir pu imposer les idées d'Alain Gest en matière de sécurité. Des idées qui s'annoncent donc assez radicales (voir notre article).
Qui est Jean-Marc Albert ? Il est entré en politique en 2007, explique-t-il, en soutien à la candidature du centriste Jean-Yves Bourgois. En 2008, il était sur la liste municipale de Gilles de Robien pour l'élection municipale. Pourtant, son nom apparaît sur un document du MNR de Bruno Mégret datant de l'an 2000 en tant que future tête de liste à l'élection municipale à Dury.
Jean-Marc Albert était-il membre de ce parti d'extrême droite? «Non, pas du tout, répond-il calmement. Si c'était le cas, j'assumerais. J'assume toujours ce que je fais. Mais ce n'est pas le cas. J'ai pris ma première et unique adhésion à l'UMP.» Dans cette histoire, Jean-Marc Albert se dit victime d'un règlement de compte personnel. «C'était il y a treize ans. J'avais même demandé au MNR d'enlever mon nom de ce document mais ça n'a jamais été fait. Alors, encore aujourd'hui, on le retrouve sur internet.»
Au dessus de ce comité de pilotage, dans l'organisation militante autour de Brigitte Fouré, le troisième et dernier étage de la fusée est composé, bien sûr, de Brigitte Fouré, elle même, et des anciens candidats à la candidature à droite. Ce sont eux, les chefs, qui décideront en fin de compte du programme.
Reste que le rassemblement de toute la droite n'est pas fait. Un ancien candidat à la candidature, Hubert de Jenlis (UDI), reste toujours bien silencieux depuis qu'il s'est retiré de la course. Mais il publie parfois sur internet des messages ambigus (comme ci-dessous sur Twitter, le 5 novembre dernier), laissant penser qu'il réfléchit à un retour surprise.
Et que sont devenus les militants qui le soutenaient? Certains ont rejoint Brigitte Fouré, d'autres restent dans l'ombre. Enfin, d'autres comme Jean-Yves Bourgois, se tiennent «pour l'instant» à l'écart de la candidate mais tentent, via l'outil internet (voir la page facebook En avant Amiens), d'imposer quelques idées dans le débat public. Un débat qui ne fait que commencer.
Avant d'écrire cet article, j'ai assisté à la première réunion publique de l'équipe de Brigitte Fouré à la salle Dewailly le 16 octobre, puis au point presse donné par elle en compagnie des chefs de file de la droite amiénoise le 4 novembre, et à la réunion publique de la liste «Rassemblés pour agir» le 7 novembre.
J'ai ensuite rencontré Renaud Deschamps et me suis entretenu par téléphone avec Pascal Rifflart (le directeur de campagne de Brigitte Fouré), Jean-Marc Albert, Jean-Yves Bourgois, Jean-Baptiste Rouvillain et Brigitte Fouré.