«Ici est mort Hector Loubota le 22 février 2002, à l'âge de 19 ans. Il travaillait à la construction de l'Université». Jeudi 20 juin, en marge de l'inauguration officielle du chantier de construction de l'Université à la Citadelle, le journaliste François Ruffin et la famille du jeune Hector Loubota ont installé cette stèle sur les murs meurtriers. Un peu plus tard, c'est Gilles Demailly qui faisait brièvement référence à la jeune victime du chantier dans son discours d'inauguration. Une reconnaissance de la douleur de la famille.
Le procès qui doit éclaircir les responsabilités dans le décès d'Hector Loubota se tient aujourd'hui. Après onze années et de nombreuses procédures infructueuses, la famille aura peut-être enfin une explication sur la mort du jeune homme. Durant ce procès, François Ruffin, journaliste au Fakir, sera entendu comme témoin. Ce dernier a accepté de répondre à quelques questions pour éclairer les enjeux de cette audience.
Le Télescope d'Amiens: À quel titre apparaissez-vous dans ce procès?
François Ruffin: J'ai fait une enquête au moment des faits, il y a onze ans, qui est parue dans le journal Fakir. Puis j'ai approfondi cette enquête pour mon livre Quartier Nord et je l'ai complétée pour Hector est mort. C'est à ce titre que l'avocat de la famille Loubota, Me Sarfati m'a proposé de figurer comme témoin.
Après un premier procès qui a blanchi un fonctionnaire de la mairie, l'avocat de la famille Loubota, Me Sarfati, a demandé que la justice s'oriente vers le maire de l'époque, Gilles de Robien. De votre côté, à quel moment avez-vous pensé à cette responsabilité?
F.R.: Moi, je n'ai jamais dit «c'est le maire» ou «c'est M. Morelle» ou c'est Machin. Je sais juste que la Mairie, en tant que collectivité, est responsable. Elle avait la responsabilité de faire une analyse du sol et du bâti. C'est quand même délirant de lancer un tel chantier sur un site qui a plusieurs siècles sans mener la moindre expertise.
Ce que je dis, en revanche, c'est que l'instruction a été insuffisante, voire timide. Il n'y a pas eu de perquisitions en mairie, dans le dossier de la Citadelle, par exemple. Et Gilles de Robien n'a même pas été entendu, pas plus que Bernard Némitz [à l'époque des faits, l'élu était adjoint chargé de l'insertion, ndlr]. Il y a certaines entreprises qui prétendent avoir signalé à la Mairie qu'il y avait besoin d'expertises du bâti. S'il y avait eu une perquisition en mairie d'Amiens, on aurait su.
Comment expliquez-vous que ce procès arrive si tard?
F.R.: Depuis le début, il semblait évident que M. Morelle n'était qu'un lampiste, que le procès était une mascarade. Mais lorsque celui-ci s'innocente avec un courrier qui semble souligner la responsabilité du maire dans l'affaire, il ne se passe rien. Le parquet aurait dû enquêter à nouveau. Mais il ne demande rien. C'est l'attitude de la justice qui me révolte le plus dans cette affaire.
Lorsque l'avocat des Loubota demande un supplément d'information au parquet, pour permettre d'établir une autre responsabilité que celle de M. Morelle, le parquet classe sans suite, en 48 heures.
C'est pour cette raison que l'avocat a décidé de lancer une procédure de citation directe, pour avoir l'occasion d'entendre Gilles de Robien s'exprimer sur le sujet.
J'ai pu m'entretenir avec François Ruffin le jeudi 20 juin, lors de l'inauguration de la plaque commémorative.