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L'UDI, la dernière cartouche des centristes

Le 11 December 2012

C'est l'ancien député Olivier Jardé qui est le plus cash : «Soit on réussit avec l'UDI, soit on disparaît». «On», ce sont les centristes qui viennent de se rassembler autour d'une seule fédération, l'Union des démocrates et indépendants (UDI). Pour marquer le coup, Jean-Louis Borloo, le leader national de l'UDI, fait le tour des départements à grands coups de meetings. Vendredi il sera dans la Somme, accompagné du président du Nouveau centre Hervé Morin, pour une réunion publique à Saint-Fuscien.



Olivier Jardé, président du Nouveau centre dans la Somme.

Nationalement, cette nouvelle fédération réunit sept formations politiques déjà existantes : Nouveau centre, Parti radical, Force européenne démocrate (Fed), Alliance centriste, Gauche moderne, Territoires en mouvement, Centre national des indépendants et paysans. Dans la Somme, ces formations – parfois groupusculaires – n'existent pas toutes. Seuls le Nouveau centre, le Parti radical et Force européenne démocrate sont présents.

«Au lendemain de ma défaite aux législatives, raconte Olivier Jardé, président du Nouveau centre dans la Somme, je me suis retrouvé avec Jean-Louis Borloo et Louis Giscard d'Estaing pour évoquer notre avenir. On s'est dit: “Bon, qu'est-ce qu'on fait?” Soit on fusionne, soit on meurt!» Ils ont décidé de fusionner. Dès juillet, le choix était fait. Depuis, Olivier Jardé fait partie de ceux qui travaillent sur les statuts de la nouvelle organisation. Des statuts qui devraient être prêts en janvier.

Pas d'adhésion venant de l'UMP

Dans le département, qui comptent-ils rassembler ? Les déçus de l'UMP ? Pour l'instant, ils «restent plutôt discrets», selon les mots de Pascal Fradcourt, ancien adjoint au maire sous l'ère de Robien et responsable du Parti radical dans le département. «Personne des Jeunes populaires n'est venu me voir, confirme Aurélie Drouvin, déléguée départementale de Force européenne démocrate dont les membres – une dizaine seulement – sont plutôt jeunes. En revanche, on a un nouvel adhérent qui vient du PS».

Pour Olivier Jardé, «on n'adhère pas à un parti par dépit mais par conviction. Tout ce que l'on entend sur des ces gens qui auraient déchiré leur carte UMP pour rejoindre l'UDI, je ne l'ai pas constaté.» L'afflux supposé d'adhérents UMP semble donc plutôt être un coup de com' voulu par la direction de l'UDI.

Des débats qui ne font que commencer

D'après ses responsables locaux, l'UDI serait plutôt en passe de rassembler les centristes égarés. «L'éclatement de l'UDF [en 2007, ndlr] a été catastrophique», se souvient Oliver Jardé. À l'époque la scission de l'UDF avait entraîné la création du Mouvement démocrate (Modem) de François Bayrou et celui du Nouveau centre. «Aujourd'hui, certains adhérents du Modem rejoignent l'UDI dans la Somme.»

Au Parti radical, on fait le même constat: l'UDI fait revenir. «Beaucoup de gens ont quitté notre organisation lorsque Jean-Louis Borloo [président du Parti radical, ndlr] a finalement décidé de ne pas se présenter à l'élection présidentielle, explique Pascal Fradcourt. Les effectifs ont alors bien baissé. Mais aujourd'hui, avec l'UDI, ça va mieux.»



Pascal Fradcourt, responsable départemental du Parti radical.

La création de l'UDI provoque des débats chez les centristes. «On me demande de faire des réunions publiques partout dans le département, se réjouit Olivier Jardé. L'UDI interpelle!» Ainsi à Poix-de-Picardie, Crécy-en-Ponthieu, Friville-Escarbotin ou Épehy, «des adhérents historiques du centre éprouvent le besoin de discuter.»

«Une droite décentralisatrice et européenne»

Quelles seront les relations entre l'UDI et l'UMP ? Concurrent ou satellite ? Difficile à dire pour le moment. Reste que l'expérience UMP de certains centristes a laissé quelques mauvais souvenirs. «L'UMP a été créée en 2002 afin de mettre la droite et le centre ensemble contre le FN, se souvient Aurélie Drouvin. Mais dix ans après, il n'a plus que la droite. Quand on voit la démagogie de la Droite forte! [C'est la motion sortie majoritaire nationalement au congrès UMP, ndlr] J'ai lu leur programme, j'avais les yeux qui piquaient. Je n'ai rien à voir avec ces gens là!» Une préférence entre Fillon et Copé ? Pas vraiment. «L'un chuchote et l'autre crie mais le discours est le même. Et les militants UMP veulent ce discours depuis la campagne ultra droitière de Nicolas Sarkozy.»

Le premier congrès de la nouvelle formation, qui aura lieu en avril 2013, devra permettre de cerner plus précisément son positionnement vis-à-vis de l'UMP. Pour le moment, l'UDI s'appuie sur des valeurs et des priorités assez peu précises. Alors comment la définir ? «C'est une droite décentralisatrice et européenne, explique Olivier Jardé. C'est aussi un pragmatisme forgé dans la vie quotidienne.»

Stéphane Demilly, chef par intérim

Une définition que ne renierait pas Pascal Fradcourt, du Parti radical. Ce chef d'une entreprise d'ambulances à Amiens nord aime rappeler que son parti est «le plus vieux de France, à l'origine de la laïcité, de l'assurance maladie et de l'impôt sur le revenu». C'est son expérience personnelle qui le fait militer aujourd'hui pour des services de l'État plus performants.

«En juin dernier, je cherchais à recruter cinq personnes pour conduire des véhicules. Je suis passé par Pôle emploi, j'ai attendu mais je n'ai pas eu de réponse.» Pascal Fradcourt a donc décidé de passer le mot au comité de quartier et au médecin du coin. Résultat : «J'ai trouvé les candidats qu'il me fallait. Tout le monde aspire à trouver un emploi et un logement, sinon on devient un délinquant.»

L'UDI est dans une phase transitoire, elle n'est pas encore clairement structurée. Pour l'instant, une coordination rassemble les représentants des trois composantes (Nouveau centre, Parti radical, Fed). «Lors de la première réunion, on a surtout expliqué comment fonctionnaient nos partis respectifs», témoigne Olivier Jardé.

Mais dans quelques mois, les uns n'auront plus de secrets pour les autres. Tout sera mis en commun, y compris les fichiers adhérents, véritables trésors habituellement très bien gardés. «Ensuite, les partis vont s'estomper sans pour autant disparaître», devine Olivier Jardé.

Imagine Amiens sabordé ?

Outre trouver un fonctionnement, l'UDI de la Somme va devoir se trouver un(e) responsable, un(e) porte-parole. Ce sera le cas lors du congrès. En attendant, le député Stéphane Demilly assure l'intérim. Également maire d'Albert, il a été désigné coordinateur départemental provisoire par Paris. Une manière sans doute pour la direction de l'UDI de ne pas interférer tout de suite dans la bataille qui s'annonce pour le leadership centriste à Amiens en vue des élections de 2014.

À cet horizon des divergences stratégiques sont déjà visibles. Si Brigitte Fouré (UDI) a choisi de lancer officiellement sa candidature fin septembre à la suite de celle d'Alain Gest (UMP), Olivier Jardé reste, lui, plus discret. «Pour déclarer sa candidature, il faut une dynamique. Là, c'est trop tôt», explique-t-il. Et pour enclencher cette dynamique, l'ex député comptait sur le club d'opposition municipale Imagine Amiens, désormais quasi inactif. «J'aimais bien Imagine Amiens, ça permettait de poser des diagnostics et de proposer des solutions. Mais le club a été plombé par les candidatures d'Alain Gest et de Brigitte Fouré. Je le regrette.»

Dans l'œil du Télescope

Toutes les personnes citées ont été rencontrées en fin de semaine dernière.