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Les internats d'excellence, c'est fini

Le 22 May 2013
Reportage commentaires
Par Fabien Dorémus

Le collège Guy-Mareschal, situé au sud-est d'Amiens, possède le seul internat d'excellence du département. Or, le ministre de l'Éducation nationale, Vincent Peillon, a décidé de mettre fin à ce dispositif voulu par l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy.

Dans une circulaire consacrée à la rentrée 2013, Vincent Peillon indique que «tous les internats, dans leur diversité, doivent proposer l'excellence scolaire et éducative aux élèves accueillis». Finis donc les internats d'excellence, voici venu le temps de «l'excellence pour tous les internats». Au delà du slogan politique, que va donc recouvrir cette nouvelle réalité ?

Précisons d'abord que les internats d'excellence sont de deux espèces. Certains sont dits de «plein exercice», c'est-à-dire que toutes les places y sont labellisées «excellence», comme celui de Guy-Mareschal.
D'autres internats ne possèdent que quelques places labellisées «excellence», à côté d'autres places d'internat «classiques». Dans la Somme, un collège (à Gamaches) et trois lycées (Boucher-de-Perthes à Abbeville, Jean-Baptiste-Delambre et Louis-Thuillier à Amiens) possèdent des places labellisées «excellence» dans leurs internats.



Michel Gamain, le principal, lors de la visite de l'internat.

Actuellement, 35 collégiens bénéficient des places d'internat d'excellence à Amiens. «Ils sont issus à 70% de la métropole amiénoise, et à 30% des zones plus rurales», indique Michel Gamain, le principal du collège Guy-Mareschal. Mais l'internat ne fait pas le plein, sa capacité est de 42 places. «La première année nous n'avions que 17 élèves, cette année 35, à la rentrée prochaine nous espérons être complets.»

Être dans un internat d'excellence, ça change quoi? «Que l'on est souvent sur le dos des élèves», plaisante Michel Gamain. Plus sérieusement, les internes bénéficient d'un encadrement renforcé.

Une année à 1695 euros

Le prix d'une année à l'internat d'excellence Guy-Mareschal s'élève à 1695 euros. Un coût un peu plus élevé que dans les internats classiques de l'académie d'Amiens pour lesquels il faut dépenser entre 1000 et 1400 euros (voir l'annuaire des internats).

Mais différentes aides existent pour soutenir les familles et faire baisser la significativement la facture. Ces aides proviennent de l'Éducation nationale ou d'autres ministères comme celui de la Ville. «Il ne doit pas y avoir d'obstacle financier», assure Michel Gamain.

Le coût, c'est justement ce que reproche le ministre Vincent Peillon aux internats d'excellence. Une étude sur l'internat d'excellence de Sourdun (Seine-et-Marne), publié en avril dernier, montre une amélioration des résultats, mais une dépense par élève d'environ 19 000 euros par an, soit le double de la dépense moyenne par élève dans le secondaire.

«On ne voit pas venir de baisse de moyens»

Qu'en est-il au collège Guy-Mareschal ? «C'est difficile à dire, estime Olivier Lhermitte, conseiller du recteur. Le calcul est réalisable mais il ne ressort pas facilement.» Nous n'en saurons pas davantage.

Quoi qu'il en soit, Olivier Lhermitte considère que l'internat d'excellence amiénois n'a rien à voir, niveau dépense, avec celui de Sourdun. «L'amélioration des résultats des internes de Guy-Mareschal trouve aussi son explication dans l'association des élèves et des parents au process. L'élève n'est pas juste déposé à l'internat par ses parents, il est suivi. Son parcours est personnalisé.»

Qui sont les élèves recrutés pour l'internat d'excellence ? Ils doivent être déjà scolarisés, adhérer au projet, montrer leur curiosité, ne pas avoir de problème de comportement, être soutenus dans leur démarche par leur famille et habiter un quartier classé en zone prioritaire. «Mais il n'y a pas d'exigence de résultats, on peut recruter un élève qui a 9 ou 14 de moyenne», assure Michel Gamain.



Dans la salle télé de l'internat.

L'exigence de résultats, c'est après le recrutement. «On espère cette année avoir 100% de réussite au brevet. L'an dernier, nous avions eu 83% de réussite, soit un échec», précise le principal. Après le brevet, les élèves ne sont pas obligatoirement orientés vers la seconde générale et technologique, certains continuent leur parcours dans l'apprentissage.

Après la décision du ministre de l'Éducation nationale, qu'arrivera-t-il au collège Guy-Mareschal à la rentrée prochaine ? Visiblement pas grand chose. «On ne voit pas venir de baisse de moyens», indique le principal Michel Gamain. Mieux: «Les moyens seront maintenus à la rentrée 2013», assure Olivier Lhermitte. En revanche, rien n'indique qu'il en sera de même aux rentrées suivantes.

40% de la surface du collège

Ce qui pourrait changer, pour les familles, ce sont les aides accordées. «Au ministère de l'Éducation nationale les moyens seront maintenus mais les fonds qui dépendent d'autres ministères pourraient baisser», indique Olivier Lhermitte. Pour l'instant, rien de sûr.

Une autre modification pourrait toucher indirectement les internats d'excellence: la modification de la cartographie des zones prioritaires. Car pour qu'un élève puisse postuler dans un internat d'excellence, il est nécessaire qu'il habite une zone considérée comme prioritaire. Et, ces zones sont en train d'être revues.

Pourquoi le collège Guy-Mareschal avait-il été sélectionné pour accueillir l'internat en 2011 ? D'abord parce qu'il y avait des locaux disponibles. «Aujourd'hui, nous avons 350 élèves mais il fut une période où le collège comptait près de 900 élèves», explique Michel Gamain. La baisse des effectifs s'expliquerait par les modifications urbaines qui ont touché le secteur Victorine-Autier (dont la fermeture puis destruction des tours Alphonse-Daudet) ainsi que par des modifications de la carte scolaire. Aujourd'hui, l'internat d'excellence couvre 40% de la surface du collège.

«Je n'entends plus les riverains se plaindre»

Mais la place disponible n'était pas été le seul critère de sélection. Selon Olivier Lhermitte, conseiller technique du recteur de l'académie d'Amiens, le savoir-faire des professionnels, dans ce quartier populaire, a aussi été reconnu: «Le collège a une tradition de prise en compte de l'élève tel qu'il est dans ses difficultés. L'équipe pédagogique sait depuis longtemps s'adapter au public pour travailler avec lui».

Demain, les internats d'excellence, appelés à disparaître, vont servir de laboratoire, d'exemple aux autres internats. «On va épauler les autres internats, revoir avec eux leurs projets pédagogiques. Parfois, cela se fera sans coût supplémentaire, indique le conseiller du recteur. Passer des conventions avec des associations, créer un partenariat avec la bibliothèque départementale comme à l'internat de Guy-Mareschal, cela ne demande pas de moyens supplémentaires mais de la coordination.» Selon lui, les internats d'excellence ont aussi démontré qu'il fallait personnaliser les parcours scolaire.

Mais la fin prochaine des internats d'excellence en inquiète certains. C'est le cas de la conseillère générale du canton concerné. Brigitte Fouré (UDI), également candidate à l'investiture à droite aux élections municipales à Amiens, estime que la création de l'internat d'excellence a contribué à amener de la sérénité dans le quartier: «Je n'entends plus les riverains se plaindre du collège».

Pour la conseillère générale, la perte de l'étiquette «excellence» pourrait rendre l'établissement moins attirant. Par ailleurs, elle tient à veiller à ce que l'argent investi par le Département «ne soit pas gaspillé».

Revenir vers le droit commun

Car le conseil général de la Somme a investi trois millions d'euros en travaux et équipements pour aménager l'internat d'excellence. Une dépense accordée alors que la philosophie du projet ne plaisait pas forcément à la majorité de gauche. «Nous ne sommes pas favorables aux internats à deux vitesses», explique Frédéric Fauvet, directeur de cabinet du président du Conseil général.

Pour autant, la majorité départementale n'y est pas allée à reculons: «Cela permettait de créer un internat public à Amiens pour les collégiens. Auparavant, dans la ville, seuls les collèges privés en étaient dotés». Par ailleurs, le Département a profité du dispositif d'internat d'excellence pour obtenir des financements de l'État, liés à la politique de la ville: «Sur trois millions d'euros investis, un million provenait de la politique de la ville».

Mais le conseil général de la Somme appuie la décision du ministre de l'Éducation. «Le dispositif ne concernait pas les élèves les plus en difficultés», explique Frédéric Fauvet. Selon lui, les contraintes de recrutement des élèves expliquent pourquoi l'internat de Guy-Mareschal n'a pas fait le plein les deux premières années.

Le 12 juin, une réunion aura lieu entre représentants du rectorat, du collège Guy-Mareschal et du conseil général (dont Brigitte Fouré, l'élue du canton). «On fera le point sur la situation, explique Frédéric Fauvet. Mais pour nous, il est clair qu'il faut faire bouger les internats d'excellence pour les rapprocher des internats de droit commun.»

Dans l'œil du Télescope

J'ai pu visiter l'internat du collège Guy-Mareschal vendredi dernier. J'étais accompagné du principal Michel Gamain, et du conseiller du recteur Olivier Lhermitte. J'ai recontacté ce dernier par téléphone hier. Vendredi dernier j'ai également rencontré Brigitte Fouré à sa permanence. Enfin, j'ai contacté Frédéric Fauvet par téléphone vendredi et hier. J'ai tenté de joindre le syndicat d'enseignants Snes-FSU mais aucune interview n'a pu être réalisée avant la parution de l'article.