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Le conseil général à l'heure de la rigueur

Le 18 March 2013

«Aux forceps.» Ce sont les mots de Christian Manable, président du conseil général de la Somme, pour évoquer les difficultés à boucler ce budget 2013.

Les élus et les services du Département se sont, d'ailleurs, donné trois mois de plus: habituellement, ce vote du budget intervient au mois de décembre de l'année précédente.

Mais cette fois-ci, il s'agissait d'y «voir clair» entre les réformes annoncées par le gouvernement et la décentralisation qui va se poursuivre. À ce titre, «c'est un budget de transition» selon les mots du président Manable. «Il prépare le conseil général à une nouvelle répartition des compétences». La majorité estime également qu'elle a su maîtriser ses dépenses, même si elle a dû augmenter un emprunt qui était en régression depuis plusieurs années.

Recettes allégées pour la Somme

Du côté des recettes, le Département a dû composer avec le gel de la dotation générale de fonctionnement (DGF) en provenance de l'État: 110 millions d'euros, comme en 2012.

Les recettes issues des droits de mutation étaient en berne en 2012, à cause d'un marché immobilier peu actif. Il en sera probablement de même pour l'exercice 2013. Du coup, le conseil général table sur une baisse de ces recettes de 2,5 millions d'euros, pour atteindre 38 millions d'euros.

Côté allocations, les compensations de l'État sont en baisse, et la charge augmente pour financer le RSA ou l'aide aux personnes âgées. À l'inverse, la taxe spéciale sur les conventions d'assurance devrait rapporter plus qu'en 2012: 79,7 millions d'euros sont prévus pour financer le budget 2013.

Le budget primitif 2013 prévoit par ailleurs de prendre 11 millions d'euros sur le bénéfice de l'exercice 2012, et d'augmenter l'emprunt de 22%.

La fiscalité fait l'unanimité

Des communistes à la droite, la satisfaction est la même: la taxe sur le foncier bâti, un des seuls leviers fiscaux que le Département peut appliquer sur les ménages, restera intacte en 2013. Marcel Guyot, par exemple, du groupe «Indépendants en Somme» votera ce budget. «Nous étions très attachés à ce que la fiscalité n'augmente pas». En 2013, cette taxe devrait représenter 124,7 millions d'euros de recettes pour le conseil général.

Jean-Christophe Loric, autre centriste présent au conseil général, salue lui aussi l'effort mené malgré les difficultés. «Les dépenses augmentent et les dotations de l'État sont gelées. Il manquait 20 millions pour boucler ce budget: ce n'était pas un exercice facile. Mais j'apprécie que les dotations vers les petites communes restent intactes.»

Là où l'élu tentera de faire avancer le débat, c'est sur les aides distribuées par le conseil général. Par exemple, certaines aides à l'emploi, distribuées à fond perdu. «Nous sommes pour proposer des avances remboursables, plutôt que des subventions. Le montant pourrait être plus élevé et faciliter l'investissement des entreprises. Les subventions nous semblent peu rentables.»

Des économies à rechercher

Si la majorité qui présente son budget estime avoir fait le maximum en terme d'économie de fonctionnement, tous les conseillers généraux ne sont pas de cet avis.

Jean-Christophe Loric, par exemple, interviendra probablement sur les économies d'énergie. «Il y a de grosses disparités de frais de fonctionnement entre les collèges. Au-delà de la performance des bâtiments, il y a des politiques à étendre à tous les collèges pour mener ces économies. Il y aurait facilement un million d'euros à récupérer à l'échelle du département» estime-t-il.

Jérôme Bignon, du groupe UMP, pense que les conseillers généraux ne se donnent pas la peine de réfléchir à des économies de fond. Un de ses exemples: le bateau baliseur Somme II qui croise désormais pour emmener 18 touristes à chaque voyage. «Il coûte 80 000 euros par an. Est-ce utile? Ne pourrait-on pas le mettre en cale sèche pendant deux ans, le temps que la situation économique s'améliore?»

Des économies de fourmis

Son groupe d'élus UMP déposera par ailleurs un vœu sur la réduction du budget communication du conseil général. «La revue interne des employés, par exemple. Ne pourrait-on pas envisager de la dématérialiser et de l'envoyer par mail?» L'élu revendique des économies «de fourmis» face à une majorité qui aurait une politique «de cigales».

Même si Jérôme Bignon reconnaît la difficulté de boucler un budget en ces temps de gel des dotations de l'État, il ne votera probablement pas celui que propose la majorité PS, coup de «bonneteau» selon lui. «Je trouve qu'il y a beaucoup d'imprécisions. Par exemple sur le calcul des dépenses de RSA. L'hypothèse de 2013 est basée sur 2012. Mais vu la situation économique, il est fort probable que le nombre d'allocataires du RSA augmente encore en 2013!»

Par ailleurs, le conseiller général d'Oisemont déplore ces 11 millions d'euros qui ont été puisés dans les bénéfices de l'exercice 2012, pour boucler ce budget primitif 2013. La hausse de 22% de l'emprunt lui pose aussi problème. «Il faut cesser de dépenser l'argent qu'on n'a pas. La majorité veut soutenir l'économie locale, mais il faudrait réfléchir sur quoi on investit la richesse prélevée sur les Picards.» L'élu UMP estime que la majorité ne répond pas à ces questions.

Les transports scolaires: la discorde maîtrisée

Certains points ont déclenché des échanges vifs lors des débats d'orientation budgétaire. En particulier la gratuité des transports des collégiens. La majorité socialiste avait proposé de faire payer 50 euros aux familles.

Finalement, à gauche comme à droite, l'idée a déplu, et ne s'appliquera pas cette année. Claude Jacob, élu Front de gauche, avait insisté pour que ces transports restent gratuits. «Pour nous c'est un impôt supplémentaire qui pèserait sur les familles. Les plus modestes ont déjà du mal à payer les cantines, je n'imagine pas qu'ils doivent payer le transport.»

Mais la réflexion semble lancée, et le sujet risque de resurgir en 2014. «Les collectivités font face à la baisse des subventions de l'État: on ne peut pas assurer que tout continuera à être rose», estime Claude Jacob. La fin de la gratuité «responsabiliserait les élèves», selon Christian Manable. Comme la carte de transport est gratuite, certains collégiens la demandent, mais sans s'en servir.

Réduction des subventions pour les pompiers

Dans un tout autre domaine, le débat a porté sur les pompiers et le budget du SDIS (Service départemental d'incendie et de secours). En cause: une subvention supplémentaire de 2 millions par an qui avait fait l'objet d'une convention triennale. En 2013, la convention se termine, et n'est pas reconduite pour les pompiers samariens.

À la place, c'est une rallonge de 700 000 euros qui sera allouée, en 2013, sur le budget primitif. Pour Isabelle Demaison, du groupe «Gauche solidaire» qui a fait sécession de la majorité l'an dernier (voir notre article), le compte n'y est pas. «Notre département avait un retard important dans l'équipement des casernes».

Constat partagé par tous les élus. Mais selon Isabelle Demaison, cette subvention ne couvrait pas uniquement de l'investissement, mais aussi du fonctionnement. Sa diminution mettrait en péril le SDIS. «À 1,3 million on rembourse à peine nos emprunts. À 700 000 euros, on est déficitaire», estime-t-elle.

Clubs de sport lanternes rouges

Le groupe «Gauche solidaire» aimerait aussi attirer l'attention sur les subventions aux clubs de sports de haut niveau. Sept clubs de football sont concernés par une baisse de subventions du conseil général.

Pour des élus de tout bord, comme Isabelle Demaison ou encore Jean-Christophe Loric (Modem), le tissu associatif local mériterait plus d'égards, en tant que créateur d'emplois ou de richesses.

Mais la prise de position est compliquée pour les élus, de gauche ou du centre, qui ont fait le choix d'intégrer la majorité. Si leurs groupes peuvent tenter d'infléchir les positions majoritaires lors des débats d'orientation budgétaire, la discipline sera de rigueur lors du vote du budget.

Christian Manable l'a indiqué, à destination des élus de la «Gauche solidaire»: «S'il ne votent pas le budget, ils se mettront hors-jeu». Et l'enjeu ce sont les délégations qui pourraient échapper aux élus sécessionnistes. «Nous avons créé ce groupe en connaissance de cause. C'est un risque que nous déciderons de prendre, ou pas, ensemble», réplique isabelle Demaison.

Réponse le 27 mars, à l'issue de la semaine et demie de votes.