L'idée fait son chemin à Amiens. En France, c'est déjà une réalité pour les habitants de Compiègne, Châteauroux ou Aubagne. En Europe, des villes d'importance l'ont déjà appliquée, comme Tallinn, capitale de l'Estonie. Cette idée, c'est la gratuité des transports en commun.
Certaines en sont déjà revenues. Comme la ville belge de Hasselt qui, première ville européenne à passer à la gratuité en 1997, a redemandé à ses habitants de payer pour se déplacer. Raison invoquée: l'important manque à gagner pour les caisses municipales, un million d'euros de recettes chaque année.
Le coût, c'est d'ailleurs l'un des arguments qu'avance Gilles Demailly, le président d'Amiens métropole, pour retoquer l'idée de rendre les transports gratuits à Amiens. Trop cher, selon le maire, qui évoque une somme de six millions d'euros chaque année. La gratuité ne pourrait passer, selon lui, que par le chemin d'une hausse de l'imposition locale.
«La façon dont nos élus utilisent les impôts»
L'argument ne décourage pas certains personnages politiques locaux, comme Cédric Maisse, élu municipal communiste, qui critique depuis plusieurs années la politique de transports menée par l'équipe de Gilles Demailly, et a fait de la gratuité des transports l'une de ses premières propositions de campagne, pour la liste qu'il devrait présenter en mars prochain.
«J'ai déjà proposé la gratuité du musée de Picardie tous les dimanches, s'explique-t-il. C'est symbolique, car les recettes du musée ne représentent que 5000 à 8000 euros par an». Mieux vaut payer les transports par l'impôt que par des abonnements? «Je pense que c'est bien d'engager une discussion autour de la gratuité des services publics. Les gens peuvent penser que c'est leur ticket de bus qui finance le service, mais ça n'est pas le cas. Discuter de la gratuité permet d'interroger la façon dont les élus utilisent les impôts.»
Aujourd'hui, il confronte cette idée aux Amiénois. Une pétition circule, lancée par Dolores Esteban, colistière de Cédric Maisse, et qui avait mené, avec la centriste Nathalie Lavallard, une fronde d'usagers contre le nouveau réseau de bus de Kéolis (voir ici et là). Avant les fêtes, cette pétition avait recueilli 800 signatures.
Si Dolores Esteban et Nathalie Lavallard ont marché main dans la main pour modifier le nouveau réseau de Kéolis, et ont pu obtenir quelques changements dans les dessertes et les horaires, la seconde a pris ses distances sur l'idée de la gratuité. Elle préférerait que les efforts soient d'abord portés sur l'efficacité du réseau.
«Bien sûr la gratuité, je suis pour, qui pourrait être contre? Mais je me demande si c'est économiquement faisable pour la Métropole. Et puis le réseau actuel pose encore problème, estime Nathalie Lavallard. Dans certains quartiers, c'est le couvre-feu après 19h30.»
Dans le camp centriste, il y a pourtant des personnalités qui y sont très favorables.
C'est le cas d'Hubert de Jenlis. Le conseiller général UDI avait quitté la course à la candidature à droite après l'accord entre Alain Gest (UMP) et Brigitte Fouré (UDI), avant de rejoindre la liste formée par ses anciens adversaires, il y a quelques jours seulement.
Fin novembre, l'élu avait même fait de la gratuité un préalable au rassemblement avec Brigitte Fouré et Alain Gest. Il se prononçait pour la mise en place de la gratuité des bus dans un délai de quatre ans, après avoir amélioré le réseau actuel. Son argument: le projet de tramway porté par l'équipe de Gilles Demailly serait responsable de l'augmentation de 90% de la fiscalité locale. «Je préfère un bus gratuit au pied de chaque immeuble plutôt qu’un tramway hors de prix loin de tous», explique-il.
Six mois de réflexion
À droite, il n'est pas le seul à avoir évoqué l'idée. Avant lui, c'est le colistier Alain Gest qui se positionnait pour la gratuité dans le Courrier picard, avant son accord avec Brigitte Fouré. C'était au mois de juin dernier.
Aujourd'hui sa position n'a pas changé. «Je me dis que c'est bien d'avoir des transports en commun, encore faut-il que les gens montent dedans. Comment fait-on pour inciter les gens à les utiliser?» Pour l'élu qui, comme tout le monde a constaté le creux historique de fréquentation du bus depuis la gestion du réseau par l'entreprise CFT, la gratuité pourrait être une solution. «Là où on a mis en place la gratuité, il y a un fort taux d'utilisation des bus par rapport à la taille des agglomérations et à leur population.»
L'élu UMP est favorable à la gratuité des transports, mais pas sans avoir examiné la situation. «Nous avons pris une position globale. Tout d'abord, il n'y aura pas de tramway sous notre mandat. Mais on ne dit pas «jamais» non plus. Et les autres modes seront envisagés. Dans les six mois après l'élection, on aura tranché, entre l'amélioration du réseau de bus, le tram-train ou une navette fluviale.»
À moins de trois mois des élections municipales, les listes tiennent peut-être entre les mains un vrai enjeu pour mobiliser les électeurs.
Les personnes interrogées l'ont été au cours des dernières semaines de décembre. Un article suivra très prochainement pour analyser les arguments pour et contre la gratuité.