Après la concertation, des gommettes sur les propositions retenues.
D'abord, il y a eu le mini-jeu sur internet. La piscine était une table rase, une feuille blanche sur laquelle les participants étaient invités à se pencher. Horaires, accessibilité, activités associatives, toboggans et autres attractions, saunas ou restauration, bassin extérieur ou intérieur... Une consultation sous une forme ludique, à laquelle moins de 2500 personnes ont répondu.
Le 17 novembre et le 8 décembre, dans la salle du Logis du Roy, c'était la deuxième étape. Une vingtaine de personnes ont amené leur pierre à cette réflexion, pendant les «journées participatives» organisées par le service de démocratie participative d'Amiens Métropole.
Si la moyenne d'âge des répondants du mini-jeu était de 26 ans, elle est cette fois plus élevée. Des retraités, des parents, des actifs ou des gens au foyer s'étaient portés volontaires pour réfléchir à une quatrième piscine.
Après une présentation exhaustive des possibilités de la future piscine, les volontaires ont établi leurs préférences.
Au programme de la première journée, une introduction par les élus métropolitains en charge de la démocratie locale et des sports, respectivement Etienne Desjonquères et Alain Jauny. Une seconde présentation par les employés du service des sports, puis un exposé par Gérard Baslé, sociologue du sport et membre du cabinet ISC, ce «programmiste» qui doit penser les besoins de la métropole et produire un document précis sur ces besoins et contraintes. Un document qui sera transmis au cabinet d'architecte qui remportera l'appel à projet de la métropole.
Mais au fait, si un programmiste intervient, quel est le sens de la consultation citoyenne? Ce sont, de toute façon, les élus du conseil métropolitain qui auront le dernier mot.
Lors de la première journée de débats, les techniciens de la métropole ont bien expliqué les enjeux de la construction d'une piscine. Tout d'abord, le club de natation d'Amiens est performant et recèle de nombreux talents qui rapportent des médailles. Leur préparer un bassin aux dimensions réglementaires pour les compétitions (50 mètres et 10 couloirs) pourrait permettre d'accueillir des événements et de réunir quelques financements de la Fédération française de natation.
Selon les critères des techniciens, l'agglomération est déficitaire en terme de m² de piscine par nombre d'habitant mais encore, elle ne possède pas assez de bassins destinés aux loisirs. Un équipement important, qui rayonne au-delà de la métropole, permettrait d'attirer un tourisme qui profiterait à l'ensemble de la métropole.
Mais alors se pose le problème du site d'implantation. Excentrer ce futur complexe sportif aurait un impact sur les retombées économiques espérées. Toutes les localisations ne seraient pas équivalentes, en ce sens.
Voilà un échantillon des questions que soulève l'implantation de la quatrième piscine, et sur lesquelles les citoyens ont eu à se prononcer (lire le compte rendu de la première journée de consultation). Encadrés, comme on l'a dit, par plusieurs experts.
Gérard Baslé est un sociologue retraité de l'université de Paris-Orsay. Il est consultant pour le cabinet de programmiste qui a accompagné les citoyens-volontaires lors de ces journées participatives. Quel est son rôle? Quelle analyse fait-il de la concertation entreprise par la métropole? Entretien.
Le Télescope d'Amiens: Vous êtes consultant en sociologie et propective pour un cabinet de programmiste. Qu'est-ce que ça veut dire exactement?
Gérard Baslé: La sociologie étudie l'état présent des pratiques humaines, mais la prospective c'est lorsqu'on essaie de réfléchir aux tendances de l'évolution de notre société. Je fais des projets d'équipement sportif depuis 20 ans pour le cabinet ISC, j'ai d'ailleurs travaillé sur la réhabilitation du Parc du Grand Marais il y a douze ans.
Mon rôle, c'est l'analyse stratégique des besoins. Quand on construit un équipement aussi lourd, il faut réfléchir à sa capacité d'évolution, pour qu'il ne soit pas trop en-dehors des usages dans 30 ans. Ce matin, par exemple, on a eu des discussions sur ce qu'on pourra y faire comme autres activités physiques.
Quel est votre rôle dans cette consultation? La présentation ou l'observation?
J'essaye d'apporter des données et de l'expertise. C'est un peu mon passé de professeur qui revient, et je trouve que c'est un bel exercice d'éducation populaire. J'aime cet échange avec les acteurs, même si je n'ai pas l'habitude des consultations publiques. Mon opinion, c'est que cela ne sert pas à grand chose.
Comment ça?
C'est plutôt de la communication et je trouve que ça peut être dangereux sur la manière de réfléchir au projet. Pour deux raisons. La première, c'est qu'on peut subir le poids de lobbies pendant la concertation. Par ailleurs, lorsqu'à la fin l'élu n'est pas d'accord, comment on fait?
Vous avez senti le poids de lobbies à Amiens?
Non. Ici les sources sont maîtrisées et il y a un vrai travail en commun. La réflexion est nourrie et partagée, c'est très intéressant. On donne les moyens de donner un avis éclairé et on écoute les apports de chacun. On sent un vrai savoir-faire de la part des équipes municipales de démocratie locale.
Vous avez présenté beaucoup d'idées assez innovantes, comme le bassin nordique. Comment citoyens et élus peuvent-ils s'y retrouver?
Pendant la concertation, les gens avancent avec les idées qu'ils se font des piscines, d'après ce qu'ils ont vu ou vécu. Je suis là pour actualiser leurs connaissances des enjeux. L'idée c'était de présenter, d'illustrer des tendances fortes dans les usages des piscines: nager, s'amuser, se baigner l'été ou encore prendre soin de sa santé.
Avant, on avait tendance à ne considérer que le premier usage mais les autres enjeux deviennent de plus en plus importants. Comme à Amiens il manque une piscine et qu'il y a déjà des équipements professionnels, autant réfléchir à une piscine différente. Le travail qui suivra, avec les élus, sera d'évaluer les scénarios selon les moyens financiers disponibles. Je trouve que le groupe avance bien, dans quelque chose qui n'est pas délirant, ils ont un «principe de réalité»
Fait-on appel à un cabinet de programmation pour un projet minime, pour une simple piscine de 25 mètres? Ou l'intervention de votre cabinet donne déjà l'idée de l'importance de la future piscine?
La programmation n'est pas indexée financièrement sur le montant du projet. On a une rémunération fixe qui correspond au mandat qu'on nous a donné, en cela on diffère complètement des architectes. En ce sens, on est complètement désintéressé à l'importance finale du projet. Par ailleurs, il n'y a pas d'équipement «simple».
Même si on fait une piscine de 25 mètres, il y a beaucoup de paramètres à considérer. Il y a des vraies questions qui se posent dans une piscine, aussi bien du rapport au corps de chacun, au niveau sanitaire, au niveau du développement durable. La moindre erreur peut coûter cher à rectifier.
Quel sera votre rôle dans la suite des opérations?
Un programme, c'est un cahier des charges qui sera donné aux architectes, et qui doit présenter tous les paramètres du projet. On chiffre aussi le coût du projet. Établir un programme c'est donc un enjeu important, il ne faut pas se tromper au risque de voir un projet interrompu en cours de réalisation si on a mal estimé son coût final.
Le fait que l'on engage notre responsabilité sur le projet et son chiffrage permet aux services des collectivités de prendre moins de risque. Par ailleurs lorsqu'on établit un programme, il faut faire des choix, parfois difficiles. Un cabinet indépendant peut se permettre d'aller contre l'avis d'élus locaux. On a un statut d'experts, notre avis est moins discutable que celui d'un politique qui tenterait d'imposer une forme d'un projet contre d'autres élus.
Gérard Baslé a été rencontré lors de la seconde journée de concertation.