Voilà treize ans que Benoît Mercuzot est maire de la petite commune de Dury, dans l’agglomération amiénoise. Autant dire que l’annonce de son départ pour la capitale picarde, où il est 4e sur la liste de Brigitte Fouré, a fait beaucoup d’orphelins parmi ceux qui l’épaulaient.
Si tous s’accordent volontiers pour défendre le bilan de l’édile et de sa liste sortante, les choses se compliquent quand on en vient à parler de succession. D’autant que les programmes de ses deux colistiers officiellement en lice pour les municipales de mars prochain, Pierre Mille et Anne Pinon, se recoupent dans les grandes lignes. Ce qui s’annonçait comme un duel fratricide vient en plus d’être bousculé par la déclaration d’un troisième prétendant à la mairie de Dury, Pierre-André Brahimi.
En cette période électorale, le devenir de son château a pour le moins agité cette petite bourgade d’habitude si calme. «On a très vite senti de la crispation dans le village. Il valait mieux arrêter la machine», se souvient Pierre Mille, en tête de la liste «Agir ensemble pour Dury». En effet, dès l’annonce du projet de construction d’une salle de réception sur le domaine, des voix se sont élevées contre les potentielles nuisances causées par les fêtards et la circulation.
Veto sur l'expansion d'Auchan
Un mouvement de contestation qui pousse Benoît Mercuzot à renoncer à soulever la question auprès du conseil municipal. À regret, pour le maire et ses deux colistiers actuellement en course, qui y voyaient notamment une occasion d’assurer l’entretien de l’édifice. Anne Pinon, de la liste «Ensemble vivons Dury» reconnaît a posteriori que le dossier «aurait mérité plus de temps». Aujourd’hui le projet de transformer le château en salle de réception est définitivement enterré, mais une intention d’acquisition a d’ores et déjà été officiellement déposée par un particulier.
Autre sujet de discorde: celui du veto opposé par le Pays du Grand Amiénois à l’expansion de la zone commerciale Auchan, située au sud d'Amiens sur le territoire de Dury. En effet, afin de rétablir un équilibre de développement avec le nord de la capitale picarde, un Schéma de cohérence territoriale (Scot), adopté l'an dernier, a limité drastiquement les espaces d’agrandissement possibles de la zone commerciale.
Pierre Mille, candidat de la liste «Agir ensemble pour Dury» (photo DR).
Une position trop rigide pour Pierre Mille, qui craint de voir les entreprises installées là-bas asphyxiées. D’autant qu’il constate, tout comme sa concurrente Anne Pinon, que cette initiative est pour l’instant restée vaine. Inquiète pour l’avenir, cette dernière anticipe : «On aura gelé le sud, sans que rien ne soit fait au nord.» Impuissants, tous deux respecteront pourtant les contraintes du Scot. Même si Dury fera encore entendre sa voix lors d’une révision prochaine de celui-ci.
Enfin, la commune devra également rester attentive aux conditions de raccordement de la rocade à l’hôpital sud. Il s’agit pour les habitants de bénéficier d’un bon accès aux soins, avec ce qui sera demain le principal centre médical de la région. Un rôle central qui va de pair avec une hausse significative prévisible de la fréquentation des axes routiers alentours. Un désagrément dont se passeraient bien les Duriens.
Ce sont donc des dossiers encore chauds que Benoît Mercuzot transmettra à son successeur. Les deux colistiers et concurrents ne tarissent d'ailleurs pas d’éloge au sujet du maire actuel : «Un homme brillant», «une carrure pour un plus haut niveau», «on aurait bien voulu le garder». Lui a annoncé le mercredi 22 janvier, lors de la présentation de ses vœux pour l’année 2014, qu’il ne soutiendrait officiellement aucun candidat.
Alors vers qui devront se tourner les Duriens à la recherche d’une continuité? Des deux côtés on revendique l’héritage: Pierre Mille l’assure, «le maire et l’ancien conseil sont venus me chercher pour me demander de me présenter». Anne Pinon quant à elle mise sur les trois actuels conseillers présents sur sa liste, contre deux pour son collègue. «En lisant le projet, les gens comprendront», renchérit-elle.
Quoiqu’il en soit, ils devront composer avec un troisième candidat, Pierre-André Brahimi, 57 ans, artisan marbrier. Bien que sa liste ne soit pas encore officiellement déposée, et que ses opposants restent interrogatifs quant à sa capacité à la compléter. «Il a contacté beaucoup des élus sortants», nous apprend Pierre Mille. En vain, car il n’est pas très connu dans le village. Or, comme le fait remarquer Anne Pinon, s’engager sur une liste exige une confiance indéfectible pour celui qui la mène. Du côté des deux conseillers municipaux, on lui reproche également d’être dans le simple constat et la critique. Une position qui pourrait pourtant lui valoir d’être la réelle alternative de cette campagne.
Anne Pinon est à la tête de la liste «Ensemble vivons Dury» (photo DR).
Car au fond les programmes des deux autres candidats ne sont pas vraiment différents. «On n'est pas parti pour une révolution», plaisante Pierre Mille. Tout comme Anne Pinon, il entend faire de Dury une commune verte et fleurie. Tout comme elle, il soutiendra la vie associative et festive déjà très fournie de la commune. Anne Pinon veut accorder une attention particulière aux aînés du village, Pierre Mille aussi. L’urgence de la sécurisation de la route départementale traversant le village fait consensus. Tous deux sont satisfaits de l’installation de caméras de surveillance dans le village et prônent l’entraide à travers l’initiative «voisins vigilants». Consensus toujours sur le thème de l’aide à apporter aux commerces de proximités.
Les profils des deux candidats influencent tout de même un peu leur vision de l’avenir de Dury. Pierre Mille, retraité et ancien agriculteur insiste sur la nécessité de préserver le caractère rural de la commune. Anne Pinon quant à elle, jeune mère et professeure à l’université d’Amiens, entend aussi faciliter la tâche des entreprises. À l’image du projet de village sportif et commercial Oxylane, proposé à la commune en 2009, et que la candidate avait voté, contre entre autres son actuel concurrent.
J’ai rencontré Pierre Mille puis Anne Pinon respectivement mardi et mercredi dernier afin d’en apprendre plus sur les enjeux et programmes de ces élections municipales. M. Brahimi, malgré une première demande et de nombreuses relances, n’a pas souhaité répondre à mes questions.