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«Grand Dialogue» de sourds à La Poste

Le 27 August 2012

27 avril dernier, Paris. Après les suicides, en Bretagne, de deux cadres de La Poste sur le lieu de travail, la direction générale du groupe annonce l'ouverture d'un « Grand dialogue », puis un gel national des réorganisations « nouvelles ou en cours », sources principales du malaise selon les syndicats.


Rue Dejean, près de la Gare, les salariés de la Pic sont en grève depuis trois mois.

Au centre de tri d'Amiens, la Plateforme industrielle courrier (Pic) Amiens-Haute-Picardie, salariés et syndicats auraient pu s'en réjouir. Mais leur nouvelle direction départementale a profité de ce gel pour stopper un projet, pourtant demandé par le personnel lui-même. Un projet qui leur aurait permis de travailler un samedi sur deux, au lieu de 5 samedis sur 9.

Alors, depuis le 9 juin, les quatre services du matin sont en grève tournante. Et les syndicats envisagent de passer à la vitesse supérieure.

Tout était prêt pourtant. Le 19 avril, le Comité hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT) de l'entreprise avait donné un avis positif. «Nous avions même l'avis favorable du directeur de la Pic [le centre de tri, ndlr]. On pensait que tout était réglé», explique Hervé Pauchet de la CGT. «C'est un conflit que l'on aurait pu éviter». Mais deux jours avant la signature, plus question de signer.

Que s'est-il passé? Remontons dans le temps.

En 2010, dans l'une des équipes du matin de la Pic d'Amiens, la 5-12, un des salariés tente de se suicider, sur son lieu de travail. Un geste souvent révélateur de mauvaises conditions de travail.

Très vite, la direction met en place un cellule d'écoute dans la 5-12. «Il y avait une demande du personnel pour travailler moins de samedi», retrace un salarié de cette équipe, qui travaille cinq samedis sur neuf. «Au bout de quelques réunions, la direction nous propose de travailler un samedi sur deux, seulement si nous acceptions d'être 3 sur chaque machine, au lieu de 4».

Proposition rejetée par le personnel. 

Les discussions sont rompues. Statu quo, jusqu'à ce que la Pic d'Amiens achète une nouvelle machine qu'un opérateur, à lui seul, peut gérer. Le passage à un samedi sur deux paraît alors envisageable pour le personnel, en réorganisant toutes les équipes du matin.

« Le nouveau directeur ? Il n'est jamais venu »

L'issue semble proche. Les salariés travaillent sur une nouvelle organisation, le projet passe en CHSCT, et la direction est sur le point de signer. «Le projet était conclu, ils avaient déjà préparé les tableaux de congés», se souvient Hervé Pauchet. Mais deux jours avant la signature, changement à la direction départementale. Un directeur fraîchement nommé gèle immédiatement le projet.


Hervé Pauchet (CGT) :«Il s'agit bien d'un projet du personnel, cela n'a pas de sens de le geler.»

La raison invoquée? Le «Grand Dialogue», ironiquement.

Au nom du «Grand Dialogue», la direction nationale avait accepté de geler tous les plans de réorganisation du travail, pour protéger le personnel.

Mais à la Pic d'Amiens, la direction départementale, zélée, va appliquer le mot d'ordre national, sans que le personnel n'ait rien demandé, et geler un plan demandé par les salariés. La direction estimant que la réorganisation, pourtant largement revendiquée par le personnel, avait été conduite par elle-même, en association avec le personnel.

Du côté de la direction, on joue sur les mots : «Ce projet était mené par la direction, même si le personnel y était associé», explique l'attaché de presse de La Poste, livrant par téléphone la version de la direction. Pour les syndicats, l'argument est abusif: «Il s'agit bien d'un projet du personnel, cela n'a pas de sens de le geler.»

Quoiqu'il en soit, pour le personnel, c'est le «non» de trop. Au delà des arguments, le ras-le-bol est général : «Cela faisait deux fois que l'on disait niet au personnel, explique un salarié. Pour nous, cela signifiait que l'on nous prenait pour des nuls. Il y a un énorme ras-le-bol parmi le personnel. Ici les gens vont mal.»

Pour les syndicats, le personnel est victime de la com' de La Poste. «Nous sommes prêts à signer tout de suite. En plus, cela ne leur coûte rien», assure Hervé Pauchet. «Mais eux, veulent l'intégrer au «Grand dialogue de la conduite du changement». «Ils veulent faire de la communication», renchérit un salarié. «Derrière, le Grand Dialogue, il n'y a rien. Le nouveau directeur, on ne l'a jamais vu ici».

Dans l'œil du Télescope

C'est d'abord Christophe Saguez de l'Union CGT de la Somme, qui a prévenu la rédaction du Télescope d'une grève en cours à la Pic d'Amiens, lors d'un entretien, le 9 août.

Hervé Pauchet a été interviewé à Rivery, le 20 aout, puis les salariés, le 22 aout, dans les locaux de la CGT, à la Pic Amiens-Haute Picardie, rue Dejean. La direction de la Pic et la direction départementale ne nous ont pas reçu. C'est l'attachée de presse de La Poste qui nous livré la version de sa hiérarchie.

Le mouvement de grève est porté par une intersyndicale CGT-CFDT-Sud-FO