La table ronde était rectangulaire, mais cela n'a pas empêché les sept invités de répondre présent. Ni le public, venu à une quarantaine. Mercredi soir, dans une grande salle du Centre d'affaires métropole, rue des Jacobins à Amiens, se tenait la première table ronde organisée par Benoît Mercuzot. Un débat autour de l'emploi à Amiens. Le premier du genre dans sa campagne qui en comptera trois autres consacrés à la cohésion sociale, l'environnement, et la formation des jeunes.
L'actuel maire UMP de Dury s'était déclaré, en janvier dernier, candidat à la candidature à droite pour les municipales amiénoises de 2014. Un mois après, le 15 février, il entrait dans le vif du sujet en organisant un premier meeting à Amiens.
Une bonne occasion de réunir ses sympathisants, venus nombreux ce soir-là dans la salle polyvalente du Crédit agricole, et de «montrer ses muscles» afin de peser dans la course à l'investiture à droite. «Quelle est ma légitimité? La réponse est dans la salle, c'est vous!», expliquait-il en début de discours. La suite de celui-ci consistera à tancer l'actuelle majorité municipale et à promettre à ses soutiens la «sortie de la tragicomédie que l'on vit depuis cinq ans».
L'ambition de Benoît Mercuzot est de faire d'Amiens «une ville créative». Selon lui, «les collectivités n'ont plus les moyens de développer leur villes par de lourds investissements publics». La faute à la crise et aux politiques d'austérité. «Ça nous oblige à repenser les choses.» Avec regrets: «Ç'aurait été du pain béni que de pouvoir continuer sur cette lancée.»
«Demain, l'initiative sera privée»
Pourtant cette politique de grands travaux avait laissé perplexe une partie des Amiénois en 2008, ce qui avait semble-t-il contribué à la défaite de Gilles de Robien: «Il est vrai que certains Amiénois ont pu trouver de Robien mégalo mais sur le fond, tous les grands maires depuis 30 ans ont su remodeler leur ville par de l'investissement public. Et ça a bien marché. Mais c'est un modèle qu'il faut désormais quitter. Demain, l'initiative, pour créer du dynamisme dans une ville, devra donc être avant tout privée.»
Si le maire n'a plus les moyens d'être un «bâtisseur», il doit donc devenir «un créateur de liens». «Une ville créative, c'est une ville dans laquelle chacun à la possibilité de développer ses projets, d'être acteur de sa ville», expliquait le candidat lors de son premier meeting.
Mercredi soir, autour du thème de l'emploi, l'équipe de Benoît Mercuzot avait réuni sept personnes : Stéphane Conty, ancien président de la fédération des commerçants d'Amiens ; Maurice Duvanel, artisan ; Sébastien Gilles, président de l'Association des industries nouvelles de la région d'Amiens (AINRA) ; Laurent Saint-Martin, responsable des études chez OSEO Picardie ; Maki Meraoumia, chef de l'entreprise ICS Direct ; Jean-Claude Parin, responsable du projet VillAvenir mené par la fédération BTP de la Somme et Michel Slama, professeur de médecine et vice-président de l'Université de Picardie Jules-Verne.
«Nos invités sont là pour nous éclairer dans leur domaine de compétence, mais nous ne pouvons pas nous prévaloir de leur soutien», a averti Benoît Mercuzot en guise de préambule. Pourtant certains d'entre eux, durant les échanges, ont clairement manifesté leur soutien au candidat.
L'enjeu de ces tables rondes est double pour le maire de Dury. Tout d'abord, le fruit des débats «sera décliné en actions concrètes qui seront mis en œuvre au lendemain de l'élection», promet-il. Mais surtout, il s'agit de montrer concrètement et à une modeste échelle ce qui serait le rôle d'un Benoît Mercuzot élu maire d'Amiens en 2014.
Que s'est-il passé pendant le débat ? Plusieurs thèmes ont été abordés dont l'avenir de l'industrie à Amiens et le manque de transfert technologique (ou comment passer de la recherche à la production). Résumé des échanges.
1 – L'avenir de l'industrie
«L'emploi industriel ne va pas aller en s'arrangeant.» Par ces mots, Laurent Saint-Martin (OSEO Picardie) a déclenché le plus gros débat de la soirée. Pour lui, cela ne fait aucun doute, l'industrie telle qu'elle existe par exemple sur la zone industrielle nord est condamnée. «C'est un problème de compétitivité. Nous ne sommes plus compétitifs pour les emplois industriels. Il faut aller chercher les emplois ailleurs, mettre l'accent sur l'innovation. L'enjeu c'est la création de TPE et PME.»
Des propos pas du tout du goût de Sébastien Gilles, président de l'AINR et responsable de la sécurité chez Dunlop-Goodyear. «Je me révolte contre ces propos alarmistes. Si l'industrie s'effondre, on peut être inquiet pour l'emploi en France. Il ne faut pas acter le déclin de l'industrie. Nous avons des industries qui exportent, qui sont compétitives dans des secteurs ciblés.»
Pour Sébastien Gilles, le maire doit d'ailleurs prendre position et dire: «L'industrie, j'y crois.» Pourtant que faire lorsque l'actionnaire est bien éloigné de l'usine, comme dans le cas de Goodyear ? «On a tendance à croire qu'on ne peut rien dire mais un investisseur industriel, même étranger, demande toujours en premier ce que pensent le préfet et le maire de son projet.» Le maire pourrait, selon lui, expliquer aux grands acteurs industriels que son territoire est propice à l'installation d'une nouvelle usine de part ses infrastructures et ses services.
2 – Le transfert de technologique
Comment la recherche peut-elle déboucher sur une activité économique? Sur cette question, c'est encore le responsable d'OSEO (organisme public de financement des PME) qui a tranché dans le vif. «Les chercheurs et les industriels ne s'intéressent pas les uns aux autres. La question du transfert technologique n'est pas un problème de financement: la Région a une attitude volontariste sur la question et chaque année je dois rendre de l'argent au ministère.»
Pas de dialogue entre industrie et recherche ? Le hasard a voulu que lors de la réunion, Michel Slama (UPJV) et Sébastien Gilles (Association des industries nouvelles) soient assis côte à côte. Or Michel Slama a déploré qu'un grand projet porté par le CHU d'Amiens, appelé SimuSanté (centre de pédagogie active), n'ait «pas trouvé d'industriel pour participer».
De son côté, Sébastien Gilles regrettait, quelques minutes auparavant, n'avoir que peu de contacts avec le monde de la recherche. Les deux hommes ne s'étaient jamais rencontrés. De quoi apporter de l'eau au moulin de Benoît Mercuzot: «La table ronde a permis de montrer à quel point les liens manquaient entre les différents milieux. Des gens qui ne se connaissaient pas se sont rencontrés», se réjouissait-il au lendemain du débat.
Après avoir assisté à la table ronde mercredi soir, j'ai contacté Benoît Mercuzot par téléphone le lendemain. J'avais également assisté à son meeting, le 15 février.