«Oh, là là, je ne sais pas. Il faudrait demander aux camarades les plus anciens.» À l'instar de ce militant socialiste, pourtant pas tombé de la dernière pluie, personne ne semble savoir quand à eu lieu la précédente Fête de la rose dans la Somme. Son retour était donc un petit événement samedi, au parc municipal de Rivery.
Pour l'occasion, le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Bruno Le Roux, faisait office d'invité de marque, accueilli à son arrivée par la première secrétaire fédérale Pascale Boistard. Autour, environ deux cents adhérents samariens du PS avaient réservé leur place pour le déjeuner. Parmi eux, le maire d'Amiens Gilles Demailly, qui a fait une entrée discrète dans le fond de la salle avant d'être applaudi par l'assistance.
Apéritif avant les discours.
Toutes les figures locales étaient de la partie : Christian Manable, Catherine Quignon-Le Tyran, Francis Lec, Didier Cardon, Thierry Bonté, Benjamin Lucas... Il ne manquait que Mohammed Boulafrad et ses soutiens de la section amiénoise Léon-Blum, actuellement mise sous tutelle par la fédération.
Du côté des partenaires habituels du Parti socialiste, pas de trace de membres d'Europe-Écologie-Les-Verts. En revanche, le secrétaire départemental du Parti communiste français (PCF), Joël Carliez, a répondu présent. «Je viens toujours quand on m'invite», lance-t-il, hilare, à son arrivée.
P. Boistard, J. Carliez (PCF), B. Le Roux (photo diffusée par le compte Twitter de Pascale Boistard).
Pourquoi organiser cette fête ? «Ça fait un petit moment, qu'avec Pascale [Boistard], on y pense», explique Christophe Géraux, qui était premier secrétaire fédéral de la Somme (par intérim), juste avant l'élection de Pascale Boistard à ce poste. L'idée, c'est bien sûr de permettre aux membres du parti de se retrouver dans un cadre convivial et festif, pour changer. Mais pas seulement. C'est aussi un moment de remobilisation après une première année d'exercice du pouvoir au plus haut sommet de l'État. «Quelques indicateurs économiques commencent à montrer des signes d'amélioration, c'est le moment de le dire. [L'Insee vient en effet d'indiquer que la consommation des ménages était en hausse au mois de mai (+0,5%), ndlr] Je pense que Bruno Le Roux va en parler», glisse Frédéric Fauvet, chef de cabinet du président du conseil général, et animateur de la Fête de la rose.
Bingo ! Lorsqu'il prendra la parole, Bruno Le Roux s’attellera à un véritable exercice de remotivation des troupes socialistes, parfois en proie au doute un an après la victoire à l'élection présidentielle. «Je ne regrette pas une seule minute d'avoir fait campagne pour François Hollande. […] Ce n'est pas facile d'être de gauche. Nous avons choisi de nous confronter à la réalité, de ne pas être seulement dans la contestation», résumera-t-il à la fin de sa prise de parole.
Avant cela le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale a réaffirmé la volonté du gouvernement «d'inverser le plus rapidement possible la courbe du chômage». Puis, sur l'air de «c'était bien pire avant nous», Bruno Le Roux a indiqué qu'à son arrivée au pouvoir, l'actuel gouvernement avait trouvé «des dossiers tous plus mal ficelés les uns que les autres». Il s'en est d'ailleurs pris à Éric Besson, dernier ministre de l'Industrie sous l'ère Sarkozy, jugé coupable de n'avoir rien fait à son poste : «Il devrait rembourser les indemnités perçues en 2012 !»
F. Lec, B. Le Roux, J.-C. Buisine, P. Boistard et F. Fauvet.
Alors que différentes taxes et impôts ont été augmentés ces douze derniers mois, Bruno Le Roux a fait une étonnante déclaration : «Nous ne demanderons pas plus d'impôts aux citoyens, ni aujourd'hui, ni demain». Expliquant ensuite que le gouvernement était «en situation de faire des arbitrages sérieux tout en respectant les valeurs des socialistes».
Il a assuré que la politique de François Hollande n'était pas une politique d'austérité : «Si nous faisions exactement ce que la Commission européenne nous demande de faire, alors là oui, nous ferions une politique d'austérité. Mais ce n'est pas le cas». La gauche au pouvoir préparerait tout de même pour 2014 un budget de rigueur historique, d'après le journal La Croix.
L'une des anciennes affiches électorales du PS, visible lors de la Fête de la rose.
Autre dossier épineux abordé : celui des retraites. «Ce que vous avez dit en 2010 à propos de la réforme des retraites [de Nicolas Sarkozy], vous pourrez continuer de le dire», a-t-il lancé à l'assistance. En clair : les socialistes ne feront pas une réforme de droite. «La retraite doit être prise à 60 ans pour ceux qui ont travaillé tôt. […] La réforme devra tenir compte de la pénibilité au travail et de la situation des femmes qui a été mise à mal par la réforme de 2010.»
«Il faut une réforme de gauche»
À son entrée dans la salle municipale de Rivery, Bruno Le Roux avait justement été interpellé sur le sujet par un militant amiénois. «Je lui ai dit qu'il fallait faire très attention, qu'il fallait écouter son électorat, raconte Francis Thuillier, sinon il ne faudra pas s'étonner de certains votes.» Il parle du Front national.
Le militant de 56 ans explique sa situation personnelle pour illustrer le problème des retraites : «Si je pars à 62 ans comme l'autorise la loi, j'aurais 500 euros de moins par rapport à une retraite complète.» Francis Thuillier attend une «réforme de gauche» qui prenne en compte les inégalités devant l'espérance de vie.
En guise de conclusion à son discours, Bruno Le Roux a émis l'espoir «que les voyants passent au vert avant les élections municipales», prévues dans neuf mois.
À Amiens, la désignation du candidat (ou de la candidate) devrait passer par un vote militant à l'automne, entériné (ou non) par la direction du PS. Mais certains essayent encore d'imposer l'organisation de primaires. C'est le cas de Philippe Casier, Benjamin Lucas (respectivement ancien et actuel secrétaires de la section Amiens sud) et Mohammed Boulafrad (secrétaire de la section Léon-Blum, mise sous tutelle par la fédération, candidat à la candidature pour la mairie d'Amiens). Ils organisent une réunion informelle ce soir à l'espace Dewailly, afin de tenter de rassembler leurs camarades favorables à ce mode de désignation.
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L'animation musicale de la fête était assurée par Geno «et son orchestration».
Pourtant, au PS, beaucoup expliquent qu'il est trop tard pour mettre en place des primaires. Un argument que balaye Philippe Casier. «Ceux qui sont opposés aux primaires s’abritent derrière cet argument technique, tranche-t-il. Mais la question n'est pas là. Faire des primaires, c'est d'une simplicité folle !» Selon lui, le PS a donc encore du temps : «Récupérer le listing électoral à Amiens, ça prendra cinq minutes.» Ne resterait plus ensuite qu'à définir les modalités pratiques du déroulement des primaires «lors d'une simple discussion politique.»
Pour l'ancien secrétaire de la section Amiens sud, les primaires représentent un double avantage. D'abord celui de créer une dynamique au sein de la gauche: «Quand tu es désigné par 1500 personnes, ça te donne une légitimité forte». Ensuite celui d'éviter les bagarres dans le PS : «Car lors d'un vote interne, on connaît totalement le corps électoral. On sait très bien qu'il y a des familles politiques.» Le vote interne laisserait donc le champ libre à toutes les tractations entre «familles politiques» du PS amiénois. D'où un risque de tensions.
Mais pour la direction fédérale, les jeux semblent faits : il n'y aura pas de primaires. «La décision a été prise, je m'y soumets», explique Thierry Bonté, candidat à la candidature. Il n'ira pas à la réunion de ce soir. Même chose pour Didier Cardon, autre candidat à la candidature : «Les primaires sont une bonne idée qui méritent une préparation. Là, on a un problème de calage et un contexte politique qui n'est pas favorable.» Il s'explique : «Si on fait des primaires qu'entre socialistes, ça ne vaut pas le coup. Et actuellement, personne chez nos partenaires n'est d'accord pour y participer.»
Quelques affiches disposées au mur.
De son côté, Frédéric Fauvet assure avoir fait le rétro-planning des primaires et en avoir établi une conclusion limpide: «Ce n'est pas tenable ! Ou alors ce sera fait au rabais. La démonstration que certains copains font n'est pas probante». Selon lui, il faut mettre en place un système de parrainages citoyens «pour éviter d'avoir cinquante candidats». Et, pour permettre à tout le monde d'obtenir ses parrainages, il faut du temps. «Trois ou quatre mois», estime-t-il.
À la Fête de la rose, tous les socialistes ne sont pas d'accord sur le sujet. Mais ils regrettent d'une même voix que Gilles Demailly ne se soit pas exprimé plus tôt sur son avenir. Si le maire d'Amiens avait annoncé plus tôt qu'il renonçait à un nouveau mandat, tout le monde aurait convenu qu'il était encore temps d'organiser des primaires. Et les arguments techniques n'auraient pas pu masquer les raisons politiques.