Ils n'étaient pas attendus, ils sont pourtant bien là. Mathieu Zanetti et Acène Guédri sont candidats à la candidature pour prendre la tête de liste PS à l'élection municipale amiénoise. Après René Anger, Thierry Bonté, Mohamed Boulafrad, Didier Cardon et Maryse Lion-Lec, ces deux nouveaux candidats portent le total des prétendants à sept.
Il est le dernier à avoir déposé sa candidature, hier après-midi. Acène Guédri a 46 ans. Longtemps, il a milité au sein du Mouvement national des rapatriés. Il avoue avoir tangué, ces dernières décennies, de gauche à droite, de Mitterrand à Chirac. «Il y a des principes à droite avec lesquels je ne suis pas toujours en contradiction mais mes valeurs sont surtout à gauche: la solidarité, être aux côtés des plus faibles.»
Avant de rejoindre le PS amiénois, Acène Guédri s'était «engagé auprès de Francis Lec». Ce n'est que progressivement qu'il s'est rapproché du PS. Il y adhère il y a une dizaine d'années, dans la section nord.
Aujourd'hui, il ne souhaite plus rester dans le sillage de son mentor. Lors du dernier congrès socialiste, l'an dernier, il s'était d'ailleurs présenté contre Francis Lec dans le cadre de l'élection du secrétaire de section. Acène Guédri avait été battu par 83 voix contre 55. «Il fallait faire respirer la section. Depuis trente ans, Francis Lec n'avait personne en face de lui. Il fallait apporter la contradiction. D'une manière générale, la pensée unique des barons locaux, les gens n'en veulent plus.»
Acène Guédri.
Acène Guédri «pèserait» entre cinquante et soixante voix dans la section nord du PS amiénois. Il assure vouloir mener sa candidature «jusqu'au bout». Cependant, il pourrait se retirer de la course «si j'ai l'assurance incontestable que la prochaine liste fasse de la place à tous ceux qui s'engagent pour défendre l'intérêt général». Entretien.
Le Télescope d'Amiens: Pourquoi vous présentez-vous?
Acène Guédri: Dans mon parcours, j'ai souvent été trompé par les élus, les administrations. Comme moi, des générations entières de rapatriés, d'immigrés, ont été déçus. Il faut maintenant crever l'abcès des quartiers en mettant en place de vraies propositions volontaristes. Il faut rompre avec ce qui se fait actuellement.
Qu'est-ce que vous préconisez?
D'abord, il faut changer les critères d'attribution des logements sociaux. Le problème principal, c'est les revenus: les logements même sociaux en centre-ville sont trop chers pour certaines familles. Il faut que la puissance publique puisse combler financièrement ces loyers pour permettre aux familles modestes d'y accéder. Il faut aussi en finir avec le clientélisme et les élus qui se laissent influencer par des pétitions qui disent «on ne veut pas de Noirs ici» ou «on ne veut pas de femmes voilées». La mixité sociale ira de pair avec la mixité ethnique. Jusqu'alors des générations entières ont été sacrifiées dans les quartiers.
Sacrifiées?
Oui, depuis 25 ans on dénonce la concentration d'un même type de population dans les quartiers. À Amiens nord, pour grossir le trait, il n'y a que des Arabes, qui y naissent de génération en génération. Et quand, gamins, ils vont pour la première fois en centre-ville, ils entrent dans un autre monde. C'est alors normal qu'ils éprouvent un sentiment d'exclusion. Je parle des Arabes mais le «petit Blanc» d'Amiens nord est aussi concerné! Si là-bas des enfants pissent dans les cages d'escaliers de leurs immeubles, c'est parce qu'ils n'aiment pas leur quartier! Au contraire, si l'on prend l'exemple du quartier Saint-Ladre, il a une mixité: les gens y vivent bien, il y a de la sérénité, du respect entre les voisins.
Comment comptez-vous aider ces jeunes des quartiers?
Quand un jeune fait n'importe quoi, c'est souvent un cri d'alerte. Il faut aller les voir, leur donner la possibilité de se reconstruire. La municipalité actuelle ne le fait pas. Gilles Demailly est allé voir le ministre pour demander plus de police, ce n'est pas ce qu'il faut.
Et qu'est-ce qu'il faut?
Une armée de travailleurs sociaux! Il faut que chaque famille puisse être visitée et, en quelque sorte, coachée. On peut, en complément, imaginer un système dans lequel les étudiants d'Amiens seraient payés pour faire de l'aide au devoirs dans les quartiers.
Comment jugez-vous le bilan de l'actuelle municipalité?
C'est un désastre sur la question des quartiers. Gilles Demailly a l'air dépassé par la problématique. Alors que pendant la campagne [de 2008, ndlr], il s'était appuyé sur ces populations pour gagner. Au moins, à l'époque, quand de Robien était pris à partie dans des réunions -parce que déjà il y avait un malaise dans les quartiers- son équipe prenait des contacts directement avec la personne concernée et lui accordait une écoute.
Le tramway, vous y êtes favorable?
Sur le principe, ce n'est pas quelque chose qui me choque même si le tracé et le financement restent à discuter. Mais le politique a une grande responsabilité: hiérarchiser les problèmes. Est-ce que le tramway est une priorité? Alors que dans le même temps, des personnes âgées doivent marcher des centaines de mètres pour trouver un bus parce qu'on a supprimé une ligne faute de rentabilité. Où est la priorité?
Âgé de 26 ans, Mathieu Zanetti a déjà cinq années de Parti socialiste (PS) derrière lui. «J'ai adhéré pendant la campagne présidentielle de 2007, dans la section Léon-Blum.» Un engagement en faveur de Ségolène Royal qui se poursuivra ensuite puisqu'il sera son mandataire (représentant officiel) dans la Somme lors des congrès du PS en 2008, 2010 et lors de la primaire de 2011. Parallèlement à ses engagements politiques, Mathieu Zanetti a été élu entre 2008 et 2010 représentant étudiant au Crous d'Amiens-Picardie, sur la liste Faep (associations étudiantes).
Il explique se positionner à la gauche du PS, «pour la défense des valeurs ouvrières, l'aide au plus démunis et la lutte contre le capitalisme financier».
Mathieu Zanetti.
En 2012, il a tenté d'obtenir l'investiture socialiste pour être candidat à la députation dans la première circonscription de la Somme. «Je connaissais très bien le terrain, pour y avoir fait la campagne des présidentielles mais aussi pour avoir étudié le patrimoine industriel de la vallée de la Nièvre pendant mes études.» Il n'a, au final, pas été le candidat désigné. «Le parti a choisi Pascale [Boistard, ndlr], alors j'ai fait campagne pour elle.» Entretien.
Le Télescope d'Amiens: Pourquoi avoir déposé votre candidature?
Mathieu Zanetti: Les candidats actuels sont tous issus de la motion n°1 [texte qui avait recueilli 65,1% des voix dans la Somme lors du dernier congrès socialiste, ndlr], le PS n'est donc pas représenté dans sa diversité. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes réunis avec la motion n°4 [9,26% des voix lors du dernier congrès, ndlr] et avons décidé de montrer notre différence. C'est une candidature sérieuse qui entend montrer qu'on peut faire de la politique autrement.
De la politique autrement, c'est-à-dire?
Il faut associer les citoyens aux décisions, et pas seulement faire de la démocratie participative. Sur les grands projets culturels, économiques ou sportifs il faut travailler avec les associations et les citoyens qui ont un savoir-faire en la matière.
C'est une manière d'ouvrir le PS vers l'extérieur?
C'est surtout pour dire qu'il ne doit plus y avoir de barrière entre les citoyens et les élus. Et c'est aux élus de faire un pas vers eux.
Concrètement, comment on associe les citoyens aux décisions?
On peut organiser des référendums locaux. On ne va pas faire voter les gens toutes les semaines mais sur les projets importants et polémiques.
Justement, le tramway, vous y êtes favorable?
Oui, c'est rapide, écologique et agréable. Mais la question du financement ne doit pas être éludée. Il faudra tenir les promesses que l'on fait à ce propos.
Quel bilan tirez-vous de l'actuelle municipalité?
Il y a du bon et du moins bon. Il faut aller plus loin. Dans la culture par exemple, il faut développer de nouvelles pratiques. On pourrait valoriser la culture du tag, par exemple.
Ça se fait déjà à Amiens.
Oui, mais uniquement de manière temporaire. Par ailleurs, il faudrait créer des maisons d'artistes dans les quartiers, comme la cité Carter à Amiens nord.
Votre candidature était plutôt inattendue. Vous pensez avoir des chances de l'emporter?
Ma démarche s'inscrit dans la représentation d'un courant d'idées. Je mène ma campagne tranquillement, ce qui m'importe c'est de proposer des choses. À la fin, on respectera la démocratie.
Votre manque d'expérience n'est-il pas un handicap?
On me pose souvent cette question. J'aime bien répondre que John-Fitzgerald Kennedy a été élu sénateur à 26 ans. Si je n'ai jamais été élu, j'ai une expérience de terrain. C'est ça qui doit compter.