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Des commissaires très bien informés mais peu armés

Le 01 October 2012
Analyse commentaires
Par Mathieu Robert

Début septembre, Arnaud Montebourg faisait de la com'.

Après sa récente nomination, le ministre du Redressement productif assurait avoir «sauvé» 91 entreprises en France, et plus de 11000 emplois par la même occasion. Mais n'en publia pas la liste.

Un résultat qu'il aurait obtenu grâce, notamment, à l'intervention des 22 commissaires au Redressement productif nommés en région, à qui il avait donné carte blanche lors de leur nomination en juillet dernier. Quel crédit donner à cette annonce, et quels moyens a-t-il donné à ses troupes pour atteindre ce résultat?

Nous avons rencontré le commissaire picard au Redressement productif dans son bureau, modeste, au rez-de-chaussée du Secrétariat général pour les affaires régionales (Sgar), rue Debray. En pleine période de prise de contact avec les entreprises et partenaires sociaux de la région, il prend le temps d'expliquer sa mission.

«Bien sûr qu'il y a des choses qui se font sans nous»

Les 91 entreprises d'Arnaud Montebourg? Paul Coulon a bien été consulté cet été pour dresser une liste d'entreprises sauvées dans sa région. «On nous a demandé de remonter des informations», explique-t-il évasif. Contrairement à son ministre, il n'a pour l'instant pas le droit de communiquer le nombre d'entreprises «sauvées» en Picardie. «Nous attendons une réponse du ministère».

En attendant, le commissaire nous explique comment il a choisi les dossiers en question. «C'est par exemple, une entreprise de 150 personnes en dépôt de bilan, pour laquelle vous trouvez un repreneur qui gardera 100 personnes». Dans ce cas, il aurait compté une entreprise, et 100 emplois de «sauvés». L'État a-t-il toujours été impliqué dans le sauvetage de ces dossiers, où interviennent beaucoup d'acteurs, notamment les collectivités locales?

Paul Coulon paraît moins péremptoire que son ministre, même s'il ne récuse pas le terme. Pour lui, la formule la plus juste serait «Que nous avons contribué à … sauver» pour qualifier ces entreprises. «Il ne faut pas tout revendiquer», modère-t-il au cours de la discussion. «Bien sûr qu'il y a des choses qui se font sans nous.»

Comment évaluer leur bilan? «C'est comme la sécurité routière»

La précision du chiffre donnée par le ministre paraît d'autant plus étrange lorsque Paul Coulon explique la nature de sa mission: «Nous devons être des facilitateurs. Nous devons savoir rapprocher les bonnes personnes pour sauver une entreprise». Pour ce faire, les commissaires ont «carte blanche», selon Arnaud Montebourg.

Comment évaluer leur impact, si leur intervention a été décisive dans tel dossier ou dans un autre? «C'est comme la sécurité routière, s'il n'y en avait pas, on ne sait pas combien il y aurait de morts de plus sur la route», sourit Paul Coulon.

Si l'objectif, «éviter à des situations de suppression d'emplois, de liquidation judiciaire», est clair, l'efficacité des commissaires est difficile à évaluer. Pourtant, le ministère a donné un chiffre. Ce sera 91!

«Les moyens d'action sont les mêmes»

En fait, pour seule arme nouvelle, le commissaire au Redressement productif bénéficie de très bons moyens d'information. «Les services de l'État, la Banque de France, Oséo ou même le Conseil régional me remontent des informations. Les moyens d'information sont mieux coordonnés». Le fonctionnaire est au cœur des services décentralisés de l'État en lien avec les petites et moyennes entreprises locales.

Une entreprise contacte la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) parce qu'elle va supprimer des emplois? Une autre n'assure pas ses échéances auprès d'Oséo (l'entreprise publique qui finance les PME)? Le Commissaire est au courant. «Chaque semaine, je réunis une cellule d'alerte et de veille précoce. On croise les informations et j'envoie toutes les semaines un tableau au ministère du Redressement productif».

«Les préfectures étaient déjà à l'écoute, mais nous passons à la vitesse supérieure», explique Paul Coulon. «Notre mission est de détecter le plus en amont possible les entreprises en difficulté».

Mais pour ce qui est des moyens alloués en région aux entreprises en difficulté, rien de changé aujourd'hui.

Le Commissaire n'apporte aucun porte-feuille supplémentaire. Il n'a pour seule arme que des informations et de la bonne volonté. «Les moyens d'action sont les mêmes. Cela n'aurait pas de sens de mettre de l'argent dans une entreprise qui ne fait pas d'efforts», s'explique-t-il.

Pour l'heure, Paul Coulon, en fonction depuis un mois, prend contact avec les entreprises de la région, patrons et syndicats.

Avant de les rencontrer cette semaine, les syndicats semblent avant tout intéressés par les informations qu'il détient sur l'état des entreprises de la région. «Nous allons échanger sur la manière dont il va travailler, annonce Dominique Bernichon, secrétaire générale CFDT Picardie. Nous voulons savoir comment il va mettre en commun les éléments qu'il possède». La CGT, elle, demandera au commissaire de lui fournir un «diagnostic de l'industrie en Picardie».

Au vu de l'intérêt qui lui est porté, le commissaire au Redressement productif paraît bien informé de l'état nos entreprises régionales. Il saura tout ou presque, mais pourra-t-il les aider? À suivre.