Il étaient 700 Amiénois à voter pour établir le nom du futur tramway. C'est finalement Amstram qui s'est dégagé parmi les trois choix proposés à la population. 700 internautes, sur une agglomération de 180 000 habitants. Seront-ils plus nombreux pour les prochaines phases de la concertation citoyenne?
Cette seconde phase démarre demain, mardi 14 mai, 18h30 au Gaumont, pour une réunion publique. Elle se poursuivra jusqu'au mois de juin, avec des conférences dans différents quartiers concernés par le passage du futur tramway. Ces réunions sont complétées par des expositions pédagogiques à l'Atrium, à la Maison de l'emploi, au square Friant ou à l'Hôtel-de-ville de Salouël. Jusqu'au 28 juin.
A quoi vont servir les réunions publiques? Les élus d'Amiens métropole tâcheront d'y expliquer le projet, accompagnés par des spécialistes du tramway officiant dans d'autres agglomérations françaises: intérêt d'un transport en commun en site propre, prévisions de financement, bassins de populations et d'emplois traversés, etc.
Mais pour le tracé précis, les quatre choix évoqués dans un premier temps (voir ci-dessous) ont été nettement circonscrits, suite aux études de terrain menées par des experts.
Des quatre variantes du projet, ne reste plus que la première.
Ainsi la rue des Jacobins sera exclue du tracé, car les études l'ont révélée trop étroite pour permettre les virages du tramway.
Exclu également le tracé en deux demi-lignes, avec fermeture d'une boucle au niveau de l'avenue du Général-Leclerc. Il était plus complexe et plus coûteux qu'une exploitation en une seule ligne.
Les choix écartés et leurs justifications
C'est aussi à l'aune des orientations du développement commercial des rues amiénoises que le tracé de l'Amstram a été considéré. Ainsi il ne passera pas au milieu de la rue des Trois-cailloux. «On ne voulait pas renforcer un axe commerçant au détriment du reste du centre-ville, en figeant le paysage commercial.» explique Thierry Bonté, vice-président d'Amiens métropole en charge des transports. L'élu préfère compter sur un «élargissement de l'activité commerçante» vers les boulevards, grâce au tracé retenu.
Enfin, un tracé parcourant les boulevards bien larges plutôt que la rue des Trois-cailloux devrait s'avérer plus pratique. Il permettra à la ligne d'avoir deux voies de circulation, assurera un meilleur confort des riverains durant la phase de travaux et ne mettra pas en péril les habitations.
Thierry Bonté (à droite) ne souhaitait pas bouleverser la rue des Trois-cailloux avec le tramway.
Cette dernière raison, la protection des habitations, devrait mener à l'abandon de l'hypothèse du passage rue Saint-Leu. Selon Thierry Bonté, les études ont révélé l'instabilité du sol jusqu'au moulin Passe-avant. Faire passer le tramway sur les boulevards est également un choix économique. C'est moins «impactant en termes de travaux», explique Thierry Bonté. Aucun pont, aucun souterrain, pas de pente trop importante à franchir: cela ne peut qu'alléger la facture finale de l'Amstram.
Concertation publique ou présentation du projet?
Mais alors, que restera-t-il à discuter demain au Gaumont, et aux rendez-vous suivants? Dans le projet actuel, trois portions du tracé entrent en débat. Les extrémités nord et sud de la ligne ne sont pas définitives. Il faut notamment définir si le tramway s'arrête à l'hôpital, où s'il pousse jusqu'à l'IUT, avec quelques contraintes dues à une déclivité trop importante pour y poser une station.
Au nord, la question posée est similaire: où aller après l'avenue de la Paix? Vers le quartier Marivaux, avec un terminus sur la rue Léo-Lagrange? Ou faut-il monter vers cette zone appelée Frange nord, pour l'instant champêtre, sur laquelle la mairie aimerait développer des activités commerciales, voire industrielles? Ne serait-ce pas l'emplacement idéal pour y placer le parking des usagers du tram et le dépôt des rames?
Enfin, en centre-ville, reste l'alternative de la rue Saint-Leu et de la place Vogel, même si la vieille rue reste déconseillée par les ingénieurs.
«Expliquer comment on en est arrivés là»
«Nous avons voulu présenter de façon honnête et sincère, l'état actuel des études», estime Thierry Bonté. Histoire de ne pas laisser les Amiénois s'exprimer sur des variantes qui ne pourront pas voir le jour pour des raisons techniques ou pratiques. «L'esprit de la concertation c'est aussi d'expliquer comment on en est arrivés là.»
Du coup, il n'est pas vraiment question d'une concertation où les habitants décideraient des modalités de passage du tramway: Thierry Bonté ne s'en cache pas, c'est le rôle de l'équipe municipale et des techniciens. «D'ailleurs on nous l'aurait reproché, si on avait laissé les gens faire le tracé.»
Les réunions de concertation se réduisent-elles à la présentation des tracés possibles, affinés par les experts et les ingénieurs? Pas vraiment. Sur le site internet, il existe un espace d'expression. Et, au cours des réunions, le dialogue sera ouvert. «On offre la possibilité d'argumenter sur d'autres tracés possibles, au travers des cahiers d'acteurs», explique l'élu métropolitain.
Cahiers d'acteurs? «Il s'agit de donner la parole à des groupes constitués, indique Brigitte Pierre, chargée de mission à Amiens métropole. Qu'ils soient institutionnels, économiques, associatifs, dans des domaines divers: le commerce, l'environnement, la fédération des entreprises de travaux publics. On a suivi les recommandations de la commission nationale du débat public»
À ce jour, les services de la métropole ont déjà reçu deux de ces cahiers d'acteurs. Celui du CAUE80 collectif qui conseille en urbanisme, et celui du comité de quartier centre-ville. «Dans une partie de "pré-concertation", on a rencontré ces groupes constitués, on leur a présenté le projet et donné une brochure, précise Brigitte Pierre. Ils sont en mesure de donner un avis éclairé, que le grand public pourra avoir en main pour se faire un avis. Mais ces avis seront argumentés: cela n'est pas forcément possible pour le citoyen.»
Le citoyen seul devra se contenter de la consultation des cahiers d'acteurs et de toutes les interventions qui se produiront pendant la concertation, mais ne pourra pas, lui-même remplir un cahier d'acteur. «Tous les points de vue exprimés en réunion publique ou sur le site vont donner lieu à un bilan de la concertation, qui abordera tous les thèmes.» Bilan qui, selon Thierry Bonté, sera rendu à l'automne 2013.
«Les objections seront prises en compte»
En ville, certains commerçants situés sur le tracé retenu s'inquiètent des travaux, comme la relayé la presse locale. Quelle marge de manœuvre auront-ils? Peuvent-ils infléchir le passage de l'Amstram? «C'est certain, on aura des questions sur les travaux, sur la circulation: les commerçants s'inquiètent, on est là pour les rassurer», ajoute Brigitte Pierre. «Et il ne faut pas oublier qu'on est très en amont du projet. Il y aura un bilan qui sera fait de cette concertation, qui nourrira, enrichira l'enquête publique qui sera menée dans les phases suivantes.» Les objections seront donc prises en compte.
Même si des mécontents remplissent un cahier d'acteur, en argumentant un tracé différent, quelle probabilité y a-t-il pour que la métropole revoit sa copie? Les études menées pour évaluer la pertinence d'un tracé ont déjà coûté à la métropole. Mais Thierry Bonté estime qu'il pourrait, dans un cas extrême, envisager d'en commander d'autres pour évaluer un tracé alternatif. «Cela dépendra de la pertinence des propositions. Si on se rend compte qu'on est passé à côté d'une hypothèse importante, on pourra refaire des études».
Les propos de Thierry Bonté ont été recueillis mardi 7 mai, lors de la conférence de presse de présentation de la réunion publique de mardi 14.
J'ai pu interroger Brigitte Pierre sur le sujet vendredi 10 mai.