Les vols de câbles électriques ont été un fléau l'an dernier en Picardie. «En 2013, on a observé une augmentation des vols de 100% par rapport à 2012», indique Olivier Girault, de la direction régionale d'Orange. Ainsi, l'an dernier, 22 vols de câbles ont été commis en Picardie, ce qui représente environ 20 000 mètres de câbles volés, affectant 6000 clients, selon Orange.
Pour quel préjudice financier ? «On préfère ne pas communiquer de chiffres de manière à ne pas attirer d'autres personnes malfaisantes», explique Olivier Girault, ajoutant simplement que «le prix d'une tonne de cuivre se situe entre 7000 et 8000 euros».
Les réseaux téléphoniques ne sont pas les seules cibles des malfaiteurs. La SNCF est aussi victime de ce genre de vols. Ce sont les réseaux électriques le long des voies ferrées qui trinquent. «Personne ne touche aux caténaires, ça fait 25 000 volts quand même! », précise Thierry Aelvoet, directeur de la communication de la SNCF Picardie. En revanche les câbles qui alimentent la signalisation ou qui servent à faire fonctionner les passages à niveaux sont visés.
Des câbles marqués "SNCF"
Pour lutter contre ce fléau, la SNCF ne dispose que de peu d'armes. «Nous avons une convention avec la gendarmerie pour que soient effectués des survols en hélico», détaille Thierry Aelvoet. Mais cela reste marginal et coûteux. Autre dispositif: marquer les câbles pour empêcher le recel. «Nos câbles sont marqués "SNCF", comme ça un ferrailleur qui accepte la marchandise ne peut pas dire qu'il n'en connaît pas la provenance.» La SNCF essaye aussi de rendre les câbles plus difficiles d'accès en les plaçant dans des caniveaux.
Mais les vols adviennent. Que se passe-t-il alors ? Lorsqu'un câble est coupé le long d'une voie ferrée, les pannes qui en résultent permettent de donner l'alerte. «On arrête les trains et c'est le gros bazar», tempête Thierry Aelvoet. Les agents d'astreinte de la SNCF s'activent alors, la police ferroviaire aussi, ainsi que la gendarmerie.
Mais le gros problème réside dans la localisation de la coupure. Car la SNCF sait quelle ligne est endommagée «mais une ligne peut faire 30 kilomètres de long». Quasi impossible dans ce cas d'interrompre le larcin et de prendre en flagrant délit les amateurs de cuivre. Un problème de localisation de coupure que connaissait aussi jusqu'à récemment l'entreprise Orange, propriétaire des réseaux téléphoniques.
Signature d'une convention entre Orange et la gendarmerie, le 6 février à la préfecture (crédit photo: préfecture 80 / SRCI).
Car Orange est aussi victime de vols, sur ses réseaux ruraux. «Les voleurs ont tendance à opérer de nuit dans les zones isolées, sur les petites routes», explique Olivier Girault. Aucun vol en ville n'a d'ailleurs été constaté en Picardie, selon lui. Et jusqu'en septembre dernier, aucun dispositif particulier n'avait été mis en place par Orange pour tenter de protéger les réseaux.
En revanche, la gendarmerie nationale multipliait les surveillances de nuit. Avec des succès à la clef. «La gendarmerie a résolu beaucoup d'affaires au cours de l'année dernière», se félicite le chef d'escadron Serge Cette. Des arrestations qui ont eu lieu sur tout le territoire français et des malfaiteurs qui se sont avérés être souvent des ressortissants d'Europe de l'est.
Jusqu'en septembre dernier, lorsqu'un câble téléphonique était sectionné en rase campagne, Orange savait le détecter. Mais avec le même problème d'imprécision que la SNCF. «On savait que la coupure avait lieu entre un point A et un point B, précise Serge Cette, mais l'écart entre les deux points pouvait être de 5 à 10 kilomètres!» Heureusement pour Orange et tous les usagers des réseaux, cette imprécision fait partie du passé.
Depuis près de cinq mois, l'entreprise s'est dotée d'un nouveau logiciel très performant qui permet de localiser une rupture de réseau à quelques dizaines de mètres près, selon la société. «C'est un système de supervision des infrastructures centralisé au niveau régional», avance Olivier Girault. L'entreprise Orange n'a pas souhaité divulguer le montant de l'investissement consenti pour mettre en place cette protection des réseaux.
Techniquement, comment ça marche? C'est assez simple. Orange envoie, à périodes régulières, un signal électrique en direction de toutes les LiveBox de ses abonné(e)s ; dès lors, lorsque les LiveBox sont en état de marche elles retournent le signal à l'envoyeur. Si une LiveBox ne fonctionne pas, elle ne répond pas. Si beaucoup ne répondent pas, il y a un problème.
Repérer les pannes en série
L'idée est donc de déceler si une série d'appareils dysfonctionne dans une zone géographique donnée. «Dès que nous observons une série d'absence de réaction, nous donnons l'alerte», explique Olivier Girault. Des tests supplémentaires sont alors réalisés et, si la panne se confirme, la gendarmerie est rapidement informée.
En quelques minutes, un e-mail contenant une carte du réseau est transmise au Centre d'opérations et de renseignement de la gendarmerie (Corg) du département concerné. Il y a trois Corg en Picardie, situés à Amiens, Beauvais et Laon. Ensuite ce sont les gendarmes qui entrent en piste.
Le Centre d'opérations et de renseignement de la gendarmerie (Corg) à Amiens (crédit photo: préfecture 80 / SRCI).
Du côté de la gendarmerie, on assure que le dispositif ne nécessite pas davantage de personnel qu'auparavant. «Sur l'intervention de la gendarmerie, ça ne change rien, tranche même Serge Cette. La localisation est juste plus précise.»
La semaine dernière, Orange et la gendarmerie organisaient en la préfecture de Picardie une conférence de presse pour montrer leur collaboration. Qui est pourtant effective depuis septembre dernier. Le dispositif est-il aussi efficace dans la pratique qu'en théorie ? Difficile à dire, il n'y a pas eu de vols sur le réseau Orange ces cinq derniers mois.
Il n'en reste pas moins que la Picardie est l'une des premières régions à se doter de ce système de localisation des coupures. «Ça sera étendu ailleurs dans les prochains mois, promet Olivier Girault, mais la Picardie était particulièrement touchée, et de manière identique dans ses trois départements.»
Toutes les personnes citées ont été jointes par téléphone en fin de semaine dernière.
Crédits photos: préfecture 80 / SRCI.