Dans le hall, il y a déjà des pots de fleurs en acier brillant, mais ils sont vides. On est encore loin de l'inauguration: des plaques de fibre de bois protègent le sol de l'entrée principale de l'hôpital pour permettre aux 400 ouvriers restants d'aller et venir sur le chantier. Si les protections sont encore en place, le bâtiment est suffisamment avancé pour se faire une idée de l'architecture du lieu... et de ses mesures.
Accueil principal de l'hôpital, ce hall monumental est situé au milieu du nouveau bâtiment.
Ce hall sera l'accueil principal du futur Centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens, point de départ des quinze kilomètres de couloirs de ce bâtiment de 120 000 m², répartis en deux plots de quatre et cinq étages. Si l'on ajoute la rénovation du bâtiment Fontenoy, celui qu'on appelait jusqu'à présent "Hôpital sud", les travaux concernent 172 000 m².
Quinze kilomètres de couloirs, d'après les conducteurs des travaux.
«Il s'agit d'une des plus grosses réalisations en cours» s'enorgueillissait la directrice de l'hôpital amiénois, Catherine Geindre, lors de la visite de chantier organisée pour la presse vendredi dernier. Le budget de ces travaux colossaux? Près de 630 millions d'euros, financés à 80% par de l'emprunt, pour un hôpital qui connaît déjà des difficultés financières (voir notre article).
Pour poursuivre dans les chiffres du prochain CHU, il devrait recenser environ 1300 lits, et 3100 places de stationnement, destinées à la fois aux patients et aux soignants. Ces derniers, en y incluant tous les personnels, les internes et les étudiants de toutes les filières paramédicales, devraient atteindre un total de 6000 personnes.
Ce CHU, c'est une fourmilière en devenir, organisée en pôles. Ainsi, le plot n°2 regroupera, en ses murs, tous les services liés à la mère et à l'enfant: gynécologie, obstétrique, néo-natalité...
Dans certains blocs opératoires les travaux sont bien avancés.
Le CHU sera aussi le lieu d'un plateau technique centralisé. Jusqu'à présent, quarante-deux salles d'opérations coexistaient sur les quatre sites amiénois (hôpitaux nord et sud, centre Saint-Victor et centre de gynécologie-obstétrique). À terme, elles seront au nombre de trente, réparties sur deux étages du plot n°2.
Mais Walid Ben Brahim, chargé du déménagement des services rassure: «le temps réel d'occupation de ces blocs est de 80%.» Il estime donc que les capacités de la chirurgie publique amiénoise ne seront pas altérées par cette mutualisation.
Pour éviter les files d'attente autour de ces trente blocs, Walid Ben Brahim évoque la possibilité de décaler leurs horaires d'ouverture de quelques minutes.
Autour de ces blocs, s'organisent les services qui nécessitent la chirurgie, comme la cardiologie, les urgences, ou encore le service de réanimation. Jouxtant les blocs: un "axe rouge" de circulation, vertical, qui les relie directement à la piste de l'héliport située sur le toit du plot n°2. L'objectif est de savoir prendre en charge rapidement les urgences qui arrivent par la voie des airs. Plus loin, dans le plot n°1 ou dans le bâtiment Fontenoy, on trouvera des spécialités médicales moins invasives, qui requièrent moins d'actes chirurgicaux.
Les circuits de l'hôpital
Avec de tels regroupements, l'organisation du nouveau CHU va devoir gérer soigneusement ses flux de patients et de personnels.
Tout d'abord, à l'extérieur, les patients auront le choix entre l'accès sud, traditionnel et un accès nord. La logistique aura son propre accès dédié.
À l'intérieur, si le hall central doit distribuer les flux des patients à tous les services, les urgences, elles, seront divisées en trois entrées: urgences gynécologiques, enfants et adultes, et patients couchés. Au sein même des urgences, la direction de l'hôpital promet un effort particulier pour que les patients ne se retrouvent pas tous dans la même salle d'attente, évitant ainsi l'effet «cour des miracles» selon les mots de la directrice du CHU. Les urgences devraient réserver un espace pour les hospitalisations de très courte durée.
Entre les différents plots, l'héliport et le plateau médico-technique, les flux seront constants.
Pour la partie grand public des services, «les couloirs et les accueils ont été dimensionnés de façon à ce qu'il n'y ait pas de queue», insiste Bernard Claeys, ingénieur général responsable de la construction. Résultat: des salles d'attente différentes pour les patients alités et les patients debout.
L'imagerie médicale - scanners, radiologie, IRM - sera également répartie en deux étages, pour différencier les besoins de l'hospitalisation de jour, l'imagerie d'intervention et l'imagerie d'urgence. Pour les biens, des chariots automatiques devraient convoyer les consommables, les produits pharmaceutiques, le linge, les repas... avec une gare par plot et par étage.
Trois en un
Aujourd'hui les activités du centre hospitalier d'Amiens sont disséminées sur quatre sites, aux quatre coins de la ville. L'hôpital Nord, qui regroupe beaucoup des services, le centre de gynécologie-obstétrique (CGO) au sud, le centre Saint-Victor au nord-est et le bâtiment Fontenoy de l'hôpital sud. À terme, il ne restera que le CHU sud et le centre Saint-Victor, ce dernier étant destiné aux hospitalisations de longue durée, aux soins de suite et de réadaptation des personnes âgées.
Si, mi 2014, le bâtiment est livré et terminé, ce sera le début d'un pas de danse un peu complexe, d'un déménagement en deux temps qui reste à valider. «Le transfert devrait commencer par les activités critiques: urgences, réanimation, blocs opératoires», prévoit Catherine Geindre. Voilà pour les activités de l'hôpital nord.
Cependant, le bâtiment Fontenoy nécessite une réhabilitation avant l'emménagement final. Cette réhabilitation ne pourra se mener qu'à vide: certains services du bâtiment Fontenoy devront donc migrer vers l'hôpital nord, pendant la durée des travaux. Du moins, pour ceux qui n'intégreront pas le nouveau bâtiment. Dans cet intervalle, il ne resterait au nord que des services de médecine, de dermatologie, d'endocrinologie. Bref, des spécialités médicales qui n'ont pas besoin de bloc chirurgical, comme l'indique la directrice du CHU: «On ne va pas se retrouver dans un désert au nord. Mais plutôt des activités moins consommatrices de chirurgie et, éventuellement, des urgences.»
«C'était plus facile comme organisation plutôt que de délocaliser entièrement le bâtiment Fontenoy au nord, pendant les travaux, ajoute-t-elle. Par ailleurs, cette solution était économiquement plus adaptée. Nous devons utiliser au mieux les moyens financiers qui nous sont alloués.» Pour la gestionnaire de l'hôpital, ne garder qu'un seul plateau technique en fonctionnement permet des économies.
Si les travaux avancent bien, si le déménagement se passe correctement, la direction du CHU envisage que tout soit terminé en 2016.
Mais la prochaine étape pour le CHU c'est en janvier 2014 avec l'ouverture du centre de cancérologie. Dans le bâtiment qui abritait l'oncologie et l'hématologie seront regroupés d'autres services destinés à traiter le cancer: les chimiothérapies, les soins de support et d'accompagnement, les greffes de cellules souches de moelle osseuse, etc.
«Le CHU est en train d'organiser des activités d'excellence», avance Catherine Geindre. Objectif affiché: le regroupement des services pour améliorer l'attractivité du CHU. Car en France, la rémunération des hôpitaux exalte la concurrence (voir notre article).
La visite du chantier a été organisée vendredi 13, par les services du Centre hospitalier universitaire. Les photos sont personnelles, mais les illustrations ont été fournies par le service communication du CHU et sont à créditer à Aart Farah (architectes).