La Belgique, l'autre pays du diplôme
«Les étudiants travaillent beaucoup, ils ont beaucoup d'heures de stage. C'est aussi pour cela qu'on demande à ce que la formation passe sur cinq ans», rappelle Marie-Pierre Thibault, aujourd'hui intervenante dans l'école d'orthophonie d'Amiens. Elle se consacre également à la recherche en linguistique, après avoir cessé la pratique auprès des patients. Pour elle, pas de doute, la formation est très dense.
L'herbe serait-elle plus verte chez nos voisins? Antoine Renard a passé son diplôme d'orthophonie en Belgique. Au début, c'était pour éviter le concours d'entrée des études françaises, particulièrement sélectif. «Et finalement cela m'a permis d'avoir un parcours que je n'aurais pas eu en France».
Aujourd'hui, après avoir exercé sur Beauvais et donné des cours à Amiens, il a repris un Master 2 de recherche en Neuropsychologie à Toulouse. Son objectif est d'entrer, l'an prochain, en doctorat sur les "Aphasies Primaires Progressives". Dans son master, seuls trois élèves sont orthophonistes : Antoine Renard et deux confrères, formés en France.
Réconcilier pratique et théorie?
Car pour lui, ce genre d'étude est plus difficile d'accès quand on a suivi un cursus français. «Le master2 que je suis actuellement est ouvert à des étudiants de médecine qui se destinent à la recherche, entre autres. Il y a des enseignements très carrés, notamment au niveau de la méthodologie.» Des enseignements pour lesquels il estime que sa formation belge a été un plus. Pour le jeune homme, l'enseignement français est très bon, «mais on forme des élèves à devenir professionnels dès la sortie de l'école». Et pas des chercheurs. Pour combler ce fossé entre pratique clinique et recherche théorique, Antoine Renard comme Marie-Pierre Thibault ne voient que la mastérisation.
«Ce diplôme en impasse bloque certains, soit dans leur évolution de carrière personnelle, soit pour effectuer des recherches fondamentales ou appliquées, qui apporteraient des éléments concrets à l'ensemble de la profession, estime la linguiste. Car nombre d'avancées sont proposées par des chercheurs appartenant à des disciplines telles que sciences de l'éducation, psychologie, médecine...» Mais qui n'ont pas d'expérience de la pratique clinique de l'orthophonie.
Pour rendre ses lettres de noblesse à la discipline, enseignants comme élèves orthophonistes espèrent beaucoup de l'arbitrage du Premier ministre. Qui se fait toujours attendre.