Des obstacles à la croisée des autoroutes
Ce projet a-t-il une pertinence économique, face à un transport routier qui bénéficie du salariat des pays de l'est? L'élu en est convaincu: «Tant que le conducteur bulgare sera la référence sociale, il y aura un problème majeur. Mais si on veut faire une Europe sociale qui ne se base pas sur des inégalités, et si on considère le coût du transport routier en fonction du CO2 et des accidents, je ne suis pas certain qu'il y ait un déséquilibre économique dans ce projet.»
Reste que, pour développer cette rocade nord, il faudra d'abord investir dans l'adaptation du réseau. Une partie du trajet n'est pas encore électrifié. En attendant les opérateurs du fret, public et privés, font encore rouler des locomotives diesel, mais le manque de caténaires reste limitant.
Témoin privilégié de la décadence du fret ferroviaire français, Didier Le Reste était, tout comme le ministre Cuvillier, l'invité de la fête du rail de Longueau. Cet ancien cheminot était, jusqu'en 2010, secrétaire général de la CGT pour le rail. Son constat, c'est la «casse du fret».
Casse du fret
«En 10 ans, le fret est passé de 20 à 10% de la part du transport. C'est une casse organisée, un grand gâchis social en environnemental. Dans le même temps, on se rend compte que 60% des filiales que la SNCF a racheté sont à vocation routière, comme les transports Giraud rachetés en 2010.»
Les autres chiffres de la restructuration du fret SNCF ne sont pas plus glorieux. Depuis la dernière décennie, plusieurs centaines de gares de fret ont été fermées, et des entreprises qui souscrivaient à ces services ont été remerciées.

De gauche à droite: le ministre des transports discute fret et trafic de voyageurs avec Didier Le Reste et François Cosserat.
Didier Le Reste juge positive la stratégie ferroviaire-portuaire affichée par le ministre. Il ne questionne pas l'intérêt des autoroutes ferroviaires, mais remet les chiffres en perspectives. «Bettembourg-Le Boulou [la ligne de fret Luxembourg-Perpignan lancée en 2007, ndlr], ce sont quatre allers et retours quotidiens, au lieu de 10 comme prévus. Cela représente 600 camions. Mais Au Perthus (66), ce sont 18000 camions par jour!» Pour l'ancien cheminot, la situation est grave et nécessite une offre plus complète que les deux axes en projet. «Les autoroutes ferroviaires sont une solution de report modal, mais il faut une autre politique pour les marchandises, il faut refaire du triage.»
Du triage, soit des pôles locaux de chargement, de massification pour créer de l'activité locale et répondre, au mieux, aux besoins des entreprises. Le comité de développement d'Amiens-Longueau ne demande pas mieux.