Les finances des différents candidats sont encadrées par la loi, quelle que soit l’élection. Tous doivent tenir à jour leurs comptes de campagne, afin qu’ils soient contrôlés par la Commission des comptes, puis publiés au Journal officiel. À Amiens, même si toutes les candidatures ne sont pas encore déposées, la campagne municipale est déjà bien entamée. Alors, combien coûte cette campagne? Comment les candidats se financent-ils? Quelles sont leurs dépenses?
D'abord, en termes de montants engagés, il faut savoir que la marche est haute entre les deux listes favorites, celles de Thierry Bonté et Brigitte Fouré, et les autres. L'écart va de 1 à 100. Frédéric Fauvet, le directeur de campagne de Thierry Bonté, parle de 100 000 euros de frais au total pour la campagne de la liste «Osons Amiens ensemble». Du côté de Brigitte Fouré, on devrait dépenser au moins l’équivalent du remboursement forfaitaire accordé aux candidats se maintenant au deuxième tour, c'est-à-dire 97 000 euros.
Les autres listes ne prévoient pas autant de dépenses. Le communiste Cédric Maisse (non soutenu par son parti, le PCF) table sur un budget de 12 000 euros. Pour le Front national d'Yves Dupille, ce sera 8000 euros. Et pour la liste de Lutte ouvrière portée par Bruno Paleni, «moins de 1000 euros».
D'où vient cet argent ? D’après les dispositions du Code électoral français, il est interdit pour les candidats de recueillir des fonds d’entreprises ou d’organismes publics. Pour la plupart d’entre eux, c’est donc un emprunt qui couvrira le plus gros des frais de campagne. Un confort qui permet de «ne pas être coincé en terme de trésoreries», explique Emmanuel Boucher, mandataire financier de Brigitte Fouré.
Mais on n'en saura pas beaucoup plus sur l'origine des fonds de la campagne de «Rassemblés pour agir». Par exemple, combien la candidate Brigitte Fouré et ses proches ont investi dans la campagne? Tout juste nous assure-t-on qu'aucun parti politique n'a contribué. «Ce n’est pas mon devoir d’être transparent avant la fin de la campagne», tranche Emmanuel Boucher. D'ailleurs, la transparence, il n'en voit «pas l'intérêt».
«Aube nouvelle» s'autofinance
Du côté de Thierry Bonté, un prêt de 56 000 euros a été contracté auprès d'un établissement bancaire. Le Parti socialiste (PS) s'en est porté garant. Ce prêt a été complété par des fonds du PS (environ 28 500 euros) et d'Europe Écologie-les Verts (environ 1500 euros). Une somme conséquente en comparaison du Front National, qui n’a reçu qu’une avance de 800 euros de sa fédération départementale. Le FN a aussi sollicité «un prêt bancaire de 4000 à 5000 euros».
A l’inverse, pas d’emprunt pour les listes Lutte ouvrière et «Aube nouvelle». La première est entièrement financée par son parti, «avec les dons et cotisations des militants», insiste Bruno Paleni, la tête de liste. Quand la deuxième s’appuie seulement sur les contributions de ses colistiers: «Une bonne part provient de ma rémunération d’élu» assure Cédric Maisse, enseignant et élu municipal depuis 2008.
Conformément à la réglementation, les «concours en nature» doivent également apparaître sur les comptes de campagne. Il s’agit d’estimer les coûts des prestations accordées gracieusement aux candidats, mais qui ne sont pas assimilables à une mobilisation militante traditionnelle. Dans le cas de Thierry Bonté, le budget grimpe alors à 115 000 euros selon son directeur de campagne. Toujours pas d’information précise du côté de Brigitte Fouré; on déclare simplement faire attention à ne pas dépasser le plafond légal de 205 000 euros.
En termes de dépense, les tracts et autres supports classiques de communication figurent dans le haut de la liste. Des sommes tout de même très variables selon les candidats. Du petit au grand format, photoshopé, coloré, glacé... Ainsi, le dernier tract de Thierry Bonté sur le sport féminin n’a décidément rien à voir avec celui que l'on imprimera en noir et blanc, à l’ancienne, chez Lutte ouvrière. Question de moyens.
Par ailleurs, la mode est aux pamphlets customisés selon les quartiers. L’enjeu est évidemment de faire mouche auprès des électeurs, en abordant les sujets qui les préoccupent. D'où, pour certaines listes, la multiplication de tracts de campagne très ciblés.
Sans oublier les traditionnels meetings: Nathalie Arthaud, porte-parole de Lutte ouvrière, était à Amiens mercredi 12 février. Du côté de la liste Aube Nouvelle on parle d’accueillir Jean-Luc Mélenchon. Pour Yves Dupille (FN) en revanche, la campagne se jouera en petits comités sous forme de débats ouverts à tous. Quoiqu’il en soit, tous trois mentionnent des événements de petite envergure et sans coût significatif. Pas de frais de réception donc, privilège des deux mastodontes de ces municipales.
Les locaux de campagne peuvent aussi être une ligne de dépense importante. Celui de Brigitte Fouré, rue Saint-Patrice, coûte 2000 euros mensuels. Une forte somme, certes. Mais un tout petit loyer au regard des 994 m² disponibles. Un rapport prix/surface sans comparaison avec le QG de Thierry Bonté, et ses 1900 euros mensuels pour seulement 100 m². Entre ces deux extrêmes, le local de l’Aube Nouvelle pèse raisonnablement 400 euros et 50 m². «Notre local de campagne ce sera la sortie des usines», déclare quant à lui Bruno Paleni. Le FN n'aura pas de local de campagne.
Remboursés à partir de 5% des suffrages
Mais la course à la mairie se joue aussi sur la toile. A l’exception de Lutte Ouvrière et du Front National, tous les candidats disposent d’un espace en ligne d’échange avec les électeurs. En plus de son blog de conseiller municipal, Cédric Maisse parle d’un site en cours de création. Thierry Bonté mise plus que les autres sur l’internet : environ 10% de son budget, c’est la somme déboursée pour «Nation Builder», un logiciel américain utilisant les informations à disposition sur les électeurs afin de personnaliser les messages envoyés.
D’un candidat à l’autre, les dépenses et recettes sont donc très variables. Le système de remboursement forfaitaire est certainement pour beaucoup dans ces disparités de budgets. En effet, afin de se voir rembourser ses frais de campagne, une liste électorale doit réunir au moins 5% des suffrages. Le plafond est situé à 70 000 euros au premier tour pour la municipalité d’Amiens.
Une somme conséquente, qui creuse un gouffre entre les candidats assurés de pouvoir rembourser leur prêt, et ceux incapables de réunir des garanties de score suffisantes pour en contracter un. «Système efficace pour éviter les candidatures farfelues» selon Frédéric Fauvet, ou «combine entre le PS et l'UMP afin d’écarter du remboursement les partis les plus petits», pour Bruno Paleni ? Une chose est sûre, la problématique du déroulement d’une élection est au moins aussi complexe que celle de son dénouement.