Le 11 janvier dernier, la CFTC, la CFDT et la CFE-CGC signaient, au terme de longues négociations, un accord national interprofessionnel. Un mois plus tard, le ministère du Travail transcrivaient le texte dans un projet de loi que les signataires jugèrent «conformes à l'accord».
Les syndicats non signataires (FO et CGT) ainsi que le Front de gauche sont descendus dans la rue, le 5 mars dernier, pour dénoncer le contenu de ce projet de loi qu'ils estiment être un recul historique pour les salariés. Le même jour, Michel Sapin, ministre du Travail, faisait part de son souhait de voir la loi appliquée dès le début du mois de mai. Le lendemain, le projet de loi était validé par le Conseil des ministres.
Au PS, l'aile gauche explique vouloir rééquilibrer le texte en faveur des salariés, tandis qu'au même moment, une centaine de parlementaires socialistes plaide pour que le texte soit le plus fidèle à l'accord, au nom de la «démocratie sociale». C'est également la position de l'UDI et d'une large partie des députés UMP, relativement silencieux sur le sujet.
À l'ouverture du congrès de la CGT qui débutait hier, Thierry Lepaon, futur successeur de Bernard Thibault, a annoncé une nouvelle journée de manifestation dans la semaine du 2 au 5 avril, à l'ouverture des débats parlementaires.
Et nos députés dans tout ça? Que vont-ils voter?
Pascale Boistard (PS): «Pas d'opposition frontale»
Pour les députés, l'examen du projet de loi ne fait que commencer. La députée socialiste de la 1ère circonscription de la Somme ne fait pas exception.
Pascale Boistard assure qu'elle ne s'opposera pas frontalement au projet de loi, même si elle émet des réserves sur son contenu. «Il y a eu des améliorations depuis l'avant projet», estime-t-elle, mais pas assez. Elle devrait participer à l'exercice de rééquilibrage du texte en faveur des salariés.
«Nous travaillons sur le texte, il y aura des amendements, mais il n'y aura pas de sortie médiatique, prévient-elle. Nous souhaitons préciser et enrichir le texte mais sans altérer l'esprit de l'accord. Nous serons attentifs aux amendements acceptés ou non par la commission permanente. Nous pourrions en proposer en séance publique.»
Les points qui dérangent? La couverture complémentaire santé: «il faut que l'on puisse utiliser plus les mutuelles et que la couverture concerne aussi les retraités.»
Autre point de négociation, la mobilité des salariés. «Nous voudrions restreindre la mobilité à une zone géographique ou une durée. Mais c'est très complexe. On y travaille». Les procédures de PSE seront également être sujettes à débats.
«Nous avons de vraies discussions, mais nous ne voulons pas entrer dans une opposition frontale», résume la députée. Néanmoins le temps manque, le gouvernement ne veut pas perdre de temps, et faire passer un texte proche de l'accord signé par les syndicats. «Ça passe très vite et je pense que c'est voulu. On nous répète tous les jours qu'il faut que l'accord passe», comme le notait d'ailleurs notre partenaire Mediapart dans son enquête.
Barbara Pompili (EELV): «Ne pas détricoter l'accord»
La député écologiste de la 2e circonscription de la Somme ne se basera pas uniquement sur le contenu du projet de loi en débat à partir du 2 avril prochain, elle veut retenir la méthode. Pour elle, la place donnée aux syndicats est une «vraie première».
«Ce qui se joue, c'est aussi le rôle et le poids des syndicats dans le pays. Il y a eu une négociation entre syndicats et patrons. Même s'il y a eu des interrogations sur la représentativité, quel rôle veut-on donner au dialogue social dans ce pays?», s’interroge la députée. «Il est temps, lorsqu'un accord est passé, de ne pas le détricoter?».
Dans la tête de l'écologiste et de ses collègues parlementaires : le mauvais souvenir du Grenelle de l'environnement. «Sur le principe, c'était la même chose. Le gouvernement avait mis tout le monde autour de la table, des personnalités issus de la société civile. Ils avaient trouvé un compromis et étaient parvenus à un accord», se souvient Barbara Pompili. «Et derrière, le gouvernement a tout détricoté. Aujourd'hui il ne reste que peau de chagrin du Grenelle.»
Sur le fond du projet de loi sur la «sécurisation de l'emploi», la députée n'est pas complètement satisfaite. «Il y a du pour et du contre. Il y a de réelles avancées», explique-t-elle, alors que le conseil fédéral d'Europe-Ecologie-Les-Verts se réunit dimanche prochain pour décider d'une position sur le texte. «L'accord tel qu'il est, ce n'est pas mon rêve. J'aurais préféré qu'il soit plus en faveur des salariés, mais c'est un accord, c'est un compromis».
Pour la députée, l'essentiel n'est pas là. «La place des syndicats, c'est le débat central ou presque.» Barbara Pompili votera «en fonction des amendements qui seront faits au texte. Si ça va dans le bon sens, il n'y aura pas de souci, je voterai pour. S'il est très peu amendé, c'est là que la question se posera. Ne faut-il quand meme pas donner un coup de pouce au dialogue social?»
«Je veux que les syndicats jouent un rôle plus important», résume la députée écologiste.
Stéphane Demilly (UDI): les centristes espèrent un texte conforme à l'accord
Les centristes de l'UDI tiennent une position très proche de la députée écologiste. En déplacement outre-atlantique pour cause de «diplomatie parlementaire», c'est le directeur de cabinet et attaché parlementaire du député de la 5e circonscription, Stéphane Demilly, qui nous explique la position du groupe centriste à l'Assemblée nationale. Principale grille de lecture: «Nous sommes favorables à la démocratie sociale».
«Cela a toujours été le fondement des centristes de faire confiance aux partenaires sociaux, explique Laurent Perrette. Il nous paraît logique de pas remettre en cause cet accord. Nous y serons favorables si tant est qu'il n'est pas dénaturé dans la loi. Et une interrogation demeure: est-ce que le projet de loi respectera fidèlement l'accord?»
Sur le fond, mardi 5 mars, le parti de Jean-Louis Borloo s'était dit «plutôt favorable» à l'accord compétitivité-emploi du 11 janvier. L'UDI devrait néanmoins déposer «des amendements de précisions et de compléments dans le respect de l’équilibre du texte notamment sur le chômage partiel, les contrats temporaires, les mutuelles et la revitalisation économique».
Alain Gest (UMP): «Il n'y a rien qui me choque aujourd'hui»
Le député de la 4e circonscription de la Somme, Alain Gest (UMP) est «partisan d'un texte conforme à l'accord». Il devrait voter le texte, comme la majorité des parlementaires de l'UMP, très silencieuse sur le sujet.
«Sur le principe, c'est un accord qui ne va pas révolutionner les relations sociales, estime-t-il. Un texte qui va dans le bon sens. Il y a des plus pour les salariés, comme la complémentaire santé, et de la souplesse dans la gestion des entreprises. Sous réserve d'une analyse plus fine ou d'arguments pertinents de mes collègues, il n'y a rien qui me choque aujourd'hui.»
Comme Barbara Pompili et Stéphane Demilly, il est pour que «la négociation sociale soit validée par le Parlement». «Il y a des sujets où le fait que les partenaires sociaux parviennent à un accord peut être suffisant, même si certains parlementaires sont choqués et estiment qu'on atteint à leur liberté de parlementaire».
Malgré des appels répétés, je n'ai pas pu joindre Jean-Claude Buisine, député de la 3e circonscription de la Somme.